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[bio] Elisabeth Badinter

badinter_elisabethElisabeth Badinter naît Bleustein-Blanchet le 5 mars 1944 à Boulogne-Billancourt (92), est  mariée et mère de trois enfants.

Une philosophe spécialiste du XVIIIème siècle. Agrégée de philosophie, Elisabeth Badinter a été maître des conférences à l’Ecole polytechnique et a publié de nombreux ouvrages sur le siècle des Lumières. Elle s’est notamment intéressée à Condorcet (Condorcet, un intellectuel en politique, 1988) à Mmes du Châtelet et d’Epinay (Emilie, Emilie, 1983) dont elle a préfacé certains ouvrages. Elle est aussi l’auteure d’une histoire du siècle des Lumières en 3 tomes : Les Passions intellectuelles parues entre 1999 et 2007.

Une féministe controversée. Elisabeth Badinter se considère féministe. En 1980 dans L’Amour en plus : histoire de l’amour maternel, elle dénonce le préjugé selon lequel il existerait un instinct maternel. C’est un de ses arguments majeurs pour se prononcer en faveur de la gestation pour autrui. Elle défend la thèse de la ressemblance entre les hommes et les femmes et soutient que toutes les politiques de la différence sont source de discrimination et d’inégalité. En vertu de cette conception, elle défend la laïcité républicaine, s’est opposée au port du voile à l’école et à la loi sur la parité, arguant que les femmes pouvaient réussir par elle-même. Quand, en juin 2008, un mariage est annulé par le parquet de Lille parce que l’épouse a menti sur sa virginité, elle s’est indignée : « La sexualité des femmes et une affaire privée et libre ». Cependant elle est controversée au sein des féministes qui ne partagent pas toutes sa vision de la féminité et des relations entre les deux sexes. Cela est particulièrement visible lors de la parution de son essai Fausse route en 2003.

Une héritière engagée. Elisabeth Badinter est présidente du conseil de surveillance de Publicis depuis 1996. Elle est également la deuxième actionnaire du groupe, elle a hérité ses parts de son père, fondateur du groupe. Elle figure parmi les 500 premières fortunes de France. Elle est également membre du comité de parrainage de la Coordination Française pour la décennie de la culture, de la paix et de la non violence.

Fausse route

Rédaction. L’essai paraît en 2003. Elisabeth Badinter y soutient la thèse selon laquelle le féminisme français des années 60-70 a fait fausse route en suivant des influences américaines qui l’ont conduit à poser les femmes en éternelles victimes de la domination masculine et en éternelles ennemies du sexe prétendu fort. Elle regrette que l’on ignore systématiquement le pouvoir et la puissance des femmes et regrette que l’on manipule les statistiques pour en faire des victimes. Elle regrette également que le législateur suive cette tendance.

Réception. L’essai a fait l’objet de réactions opposées. La presse loue le courage de Badinter, tandis que beaucoup de féministes l’accusent de trahison. Elles reprochent à Badinter la partialité et la légèreté de ses sources. Il semble que ce que Badinter appelle « féminisme » est en fait une caricature d’un courant féministe américain et qu’elle ignore la diversité des mouvements et de leurs actions. Les féministes lui reproche également de relayer des arguments antiféministes et de céder à des critiques faciles.

Bibliographie sélective

Fausse route, Odile Jacob, 2003.

Pour aller plus loin

Élisabeth Badinter dénature le féminisme pour mieux le combattre (par Élaine Audet, Sysiphe, 29 septembre 2003)

La réaction des Chiennes de garde (25 mai 2003)

Un féminisme bien tempéré (par Arnaud Spire, L’Humanité, 28 mai 2003)

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[bio] Christian Baudelot & Roger Establet

christian-baudelot-roger-establet_0Christian Baudelot et Roger Establet sont nés en 1938 et sont anciens élèves de l’Ecole Normale Supérieurs.

Ils obtiennent l’agrégation à un an d’intervalle : Establet décroche l’agrégation de philosophie en 1962, Baudelot celle de lettres classiques en 1963. Elèves d’Althusser, le début de leur carrière est fortement influencé par le marxisme qui les conduit à la sociologie. Ils sont tous les deux titulaires d’un doctorat dans cette matière.

Ils collaborent à la réalisation de nombreuses études depuis les années 1970 et publient ensemble leurs conclusions. Ils se sont particulièrement intéressés au suicide (Durkheim et le suicide, 1984 ; Suicide. L’envers de notre monde, 2006) et à l’école (L’école primaire divise 1974 ; Le niveau monte 1989, L’élitisme républicain 2009)

Quoi de neuf chez les filles ?

Intentions des auteurs. L’ouvrage de Elena Gianni Belotti a connu un grand retentissement à sa publication en 1973 car il révélait l’influence des déterminants sociaux sur les rôles masculins et féminins. Les auteurs se sont demandés si la situation avait évolué depuis.

Conclusions. Les parents continuent à se comporter différemment en fonction du sexe de leur enfant, de même que les éducateurs. Cependant la situation des filles s’est améliorée du fait de l’évolution de la société (mixité, explosion du travail féminin…). Elles affichent une meilleure réussite scolaire que les garçons et disposent de plus de liberté dans la construction de leur identité. Des domaines longtemps réservés aux garçons leur sont désormais ouverts. Les garçons par contre peinent à conquérir les domaines « féminins »… Les auteurs encouragent l’évolution en cours et se montrent optimistes. Ils interrogent également l’objectif recherché : veut-on de l’ « unisexe » à tous les niveaux ? Ils engagent à ne pas confondre différences et inégalités.

Contribution de l’ouvrage à la pensée féministe. L’ouvrage vient confirmer les revendications des féministes en matière d’accès des filles aux filières prestigieuses et aux postes à responsabilités. Il confirme également la survivance de stéréotype de genres et décrit ce qui peut être perçu comme une « masculinisation » de la société. Ce qui est considéré comme « féminin » continue d’être dévalorisé, y compris par les jeunes filles elles-mêmes qui aspirent à se conformer au modèle masculin dominant.

Bibliographie

BAUDELOT- ESTABLET, Allez les filles !, Le Seuil, 1992.

BAUDELOT-ESTABLET, Quoi de neuf chez les filles, Nathan, 2007.

BELOTTI Elena Gianni, Du côté des petites filles, Des Femmes, 1994 (1973).

Pour aller plus loin

http://elias.ens.fr/~baudelot/

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[bio] Susan Moller Okin

[photopress:memres_okin600.jpg,thumb,pp_image]Susan Moller Okin naît en 1946 à Auckland en Nouvelle-Zélande. Divorcée de Bob Okin, elle a deux enfants, Laura et Justin.

Une philosophe féministe. Licenciée de l’université d’Auckland, elle obtient un master en philosophie à Oxford en 1970, puis un doctorat à Harvard en 1975. Elle se tourne alors vers l’enseignement et la recherche universitaire. Elle enseignera à Auckland puis aux Etats-Unis à Vassar (New-York), Brandeis (Massachussetts), Harvard (Massachusetts) et à partir de 1990 à Stanford (Californie). Elle y sera directrice du programme « l’Ethique dans la société » de 1993 à 1996. Ses travaux se concentrent sur la question du genre et la politique. Elle est considérée comme la première à avoir lié ces deux domaines. Elle montre que la question du genre est au cœur de la philosophie politique et reproche aux philosophes présents et passés de l’avoir toujours tenue à la marge voire même de l’avoir exclue. Ses deux ouvrages parus en 1979 et en 1989, Women in Western Political Thought et Justice gender familymarquent des tournants aussi bien pour la pensée féministe que pour la pensée politique. La famille ne peut plus être exclue d’une réflexion sur la justice, de même que la question de l’égalité hommes-femmes au sein de cette institution.

Une féministe engagée. A la fin de sa vie, Moller Okin prête attention aux revendications des femmes dans les pays les moins développés. Ses recherches se concentrent sur le genre, le développement économique et les droits des femmes à la fin du vingtième siècle. En 1999 elle publie Is multiculturalism Bad for women ? où elle montre que les droits des femmes doivent primer sur ceux de certaines cultures. Elle laisse la parole à plusieurs contributeurs, y compris des opposants. Elle s’engage dans une association de San Francisco Le Fonds mondial pour les femmes (Global Fund for women) qui octroie des dons à des organisations luttant pour l’éducation des filles, l’élimination des violences contre les femmes ou l’élimination des violences sexistes. En janvier 2004, elle voyage en Inde à l’occasion du Forum social international à Mumbai.

Une philosophe, une enseignante, une femme reconnue. Au cours de sa carrière Moller Okin a reçu de nombreuses récompenses pour ses recherches et son enseignement. A sa mort, le 3 mars 2004, les hommages se multiplient. Les étudiants saluent une professeure attentive et passionnante, les professeurs de Stanford une collègue honnête et loyale, les philosophes ses recherches innovantes. En 2004 elle envisageait d’étudier la biologie évolutionnaire d’un point de vue féministe. Elle voulait également publier un nouveau recueil sur la question du multiculturalisme.

Justice, Gender and The Family

Rédaction. L’essai paraît en 1989. Moller Okin y défend cette thèse : « Until there is justice within the family, women will not be able to gain equality in politics, at work or in any other sphere » (Tant qu’il n’y aura pas de justice au sein de la famille, les femmes ne pourront pas obtenir l’égalité en politique, au travail ou dans n’importe quel autre domaine). Toute la société est construite sur une proposition implicite : les travailleurs ont des femmes à la maison pour prendre soin des soucis domestiques. Tant que l’on en n’aura pas pris conscience, les choses ne pourront pas changer pour les femmes. Pour l’instant, on fait comme s’ils étaient égaux, mais ce n’est pas vrai. C’est quand le couple se sépare que toute l’injustice cachée derrière des motifs rationnels apparaît.

Réception. L’ouvrage a connu un grand retentissement au près des philosophes et du grand public parce qu’il contient des idées nouvelles, mais aussi parce qu’il s’inscrit dans le débat sur la justice soulevé dans les années 80 à la suite de la publication de Theory of justice de John Rawls. Moller Okin montre que tous les philosophes, en particulier ses contemporains, ont traité la question en sujet masculin et ont oublié cette prémisse. La conséquence de cette fausse neutralité en matière de genre a été de négliger la question de la famille, de la rejeter dans la sphère privée. Elle reprend la théorie de Rawls en y introduisant la question du genre et en déduit qu’il faut poser la question de la justice au sein de la famille. Rawls reverra d’ailleurs sa théorie dans les années 90 en prenant en considération la critique de Moller Okin. Le livre a reçu le prix Victoria Schuck de l’Association Américaine de Science Politique du meilleur livre sur les femmes et la politique de l’année 1989.

Féminisme. Les féministes ont salué l’importante contribution de l’ouvrage aux combats des femmes pour l’égalité des droits. Elles ont plus particulièrement retenu ses propositions concrètes d’interventions politiques : crèches d’entreprise, études du soir, congé parental partagé entre les deux parents…

Traduction française. L’ouvrage n’a été traduit en France qu’en 2008. Il est paru chez Flammarion dans la collection « Champ Essai ».

Bibliographie
Justice, Gender and the Family, Susan Moller Okin, Basic Books, 1991.
Toward a humanist Justice : the political philosophy of Susan Moller Okin, Debra SATZ, Rob REICH, Oxford University Press, 2009.

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[bio] Honore de Balzac

balzac1Honoré de Balzac naît à Tours le 1er prairial de l’an VII (20 mai 1799).

Apprentissage. Il entre au collège des Oratoriens de Vendôme en 1807 où il étudie jusqu’en 1813. En 1814 la famille Balzac monte à Paris et Honoré fréquente la pension royaliste Lepître, puis est mis en pension chez l’abbé Ganser tout en suivant les cours du lycée Charlemagne. Il finit ses études secondaires en 1816 et s’inscrit à la faculté de droit dans le but de devenir notaire. Il commence parallèlement à travailler comme petit clerc chez un avocat puis un tabellion. En 1819 il est bachelier en droit. La famille déménage à Villeparisis en raison de difficultés financières. Honoré refuse de suivre ses parents avec qui il négocie deux années de sursis pour faire ses preuves dans le monde des lettres. Il s’installe donc dans une mansarde près de la Bastille où il doit vivre avec quatre francs par jour. Il écrit une pièce de théâtre, Cromwell, mais un ami de la famille, critique, la juge ennuyeuse. L’avenir littéraire de Balzac semble compromis.

Il décide alors de se lancer dans le roman. Son modèle est le romancier britannique Walter Scott. Il écrit beaucoup et publie sous des pseudonymes. Dans une lettre à sa sœur Laure, il qualifie lui-même ses premières productions de « cochonneries ». Elles vont cependant contribuer à sa formation d’écrivain et lui permettre de progresser tant au niveau du style qu’au niveau du contenu.  Quand il se sent prêt, il signe de son vrai nom. En 1829, il publie en avril Le dernier Chouan ou la Bretagne en 1800 puis en décembre la Physiologie du mariage.

L’éternel endetté amoureux. En 1825 il se lance dans l’édition et achète une imprimerie en 1826.  C’est un échec qui l’endette. Toute sa vie, même lorsque son activité littéraire sera à son apogée, Balzac sera poursuivi par les créanciers. En 1836, il doit fuir Paris et se cacher. Il mène une vie mondaine au-dessus de ses moyens et se laisse entraîner dans des aventures coûteuses, comme cette aventure immobilière entre 1837 et 1840.

En 1822 alors qu’il commence à peine sa carrière littéraire, il se lie d’amitié avec Laure Berny de vingt-deux ans son ainée qui l’écoute et le soutient. Ils partageront ainsi une amitié sensuelle pendant dix ans. Toute sa vie Balzac recherchera cette figure maternelle auprès des femmes, sans doute parce qu’enfant, il s’est senti abandonné par la sienne. La plus importante de ces amitiés amoureuses commence en 1832. Balzac reçoit une lettre d’une admiratrice ukrainienne signée « l’Etrangère ». Il s’agit de Mme Hanska de qui il va s’éprendre passionnément dès leur première rencontre en 1834. Il devra cependant attendre le décès de son époux en 1842 pour qu’elle l’autorise à l’aimer et encore huit ans pour qu’elle accepte de l’épouser. Le mariage est célébré le 14 mars 1850, cinq mois avant la mort du romancier.

Un travailleur infatigable. Dès ses œuvres de jeunesse, on peut remarquer la très grande capacité de travail de Balzac. Petit à petit il s’installe dans une routine de forçat : ses journées commencent à minuit et il passe huit heures à écrire avant de commencer à traiter le courrier, à corriger les épreuves ou à fréquenter le monde. En plus de son importante production littéraire, des réécritures et des corrections qui épuisent les typographes, il a depuis 1823 des activités de journaliste s’affirmant de plus en plus en faveur du parti légitimiste. En 1839, il essaye de défendre Peytel, un notaire accusé d’un double meurtre et condamné à mort. Il s’attache également à la défense de la propriété littéraire et rédige en 1840 un Code littéraire qui servira, après sa mort, de base aux textes de loi instaurant la protection du droit d’auteur. Son mode de vie cependant contribuera à dégrader sa santé prématurément.

La Comédie Humaine

En 1831 Balzac publie la Peau de Chagrin. Pendant dix ans, il va travailler sans relâche à ce qu’il appellera en 1842 La Comédie Humaine, une fresque peignant la société française de l’époque dans son ensemble, aussi bien la société parisienne que la vie provinciale, les riches que les pauvres, les hommes que les femmes. « J’ai entrepris l’histoire de toute la Société. J’ai exprimé souvent mon plan dans cette seule phrase : une génération est un drame à quatre ou cinq mille personnages saillants. Ce drame, c’est mon livre. » (Lettre à Hippolyte de Castille, 11 octobre 1846). Il sait son projet ambitieux ; il écrit à Mme Hanska en 1844 : «Quatre hommes auront eu une vie immense : Napoléon, Cuvier, O’Connell, et je veux être le quatrième. Le premier a vécu de la vie de l’Europe ; il s’est inoculé des armées ; le second a épousé le globe ; le troisième s’est incarné un peuple ; moi, j’aurai porté une société toute entière dans ma tête». Tous les romans de Balzac participent à la Comédie Humaine, d’où le principe de la réapparition de personnages d’un roman à l’autre. En 1835 dans le Père Goriot, Balzac fait appel à des personnages utilisés en 1833. C’est un tournant dans sa carrière : le roman est un succès, le projet est lancé. Ses meilleurs romans sont à venir.

Il meurt le 18 août 1850 à Paris.

Les Chouans

Le roman est publié pour la première fois en 1829 sous le titre Le dernier Chouan ou la Bretagne en 1800. Il sera réédité et remanié deux fois du vivant de l’auteur : en 1834 sous le titre Les Chouans ou la Bretagne en 1799, puis en 1845 dans le tome XIII de la Comédie Humaine dans la section Scènes de la vie militaire. Les remaniements de l’auteur ont pour but à la fois d’intégrer l’œuvre au projet de la Comédie Humaine et d’alléger le roman d’effets romantiques, il s’éloigne ainsi de son projet initial de roman historique à la Walter Scott. La psychologie du personnage de Marie de Verneuil s’en trouve affinée.

Le roman raconte la tragique histoire d’amour entre le chef de l’insurrection chouanne et Marie de Verneuil, espionne à la solde des républicains.

En 1829 la critique n’accueille pas favorablement le roman. Elle reproche à Balzac une intrigue embrouillée et un style luxuriant. Elle reconnaît cependant une certaine originalité et s’étonne de procédés inédits. Le roman se vend mal.

Par la suite, le roman a été étudié dans l’optique de saisir la genèse de la Comédie Humaine  et du style balzacien ou dans le cadre d’études sur les romans historiques.

La critique féministe s’est intéressée aux personnages balzaciens dans la mesure où il décrivait fidèlement la condition féminine notamment dans le mariage.

Bibliographie

Les Chouans, livre de poche, 1972

LUCEY M, Les ratés de la famille, Fayard, 2008.

Pour aller plus loin :

http://www.paris.fr/portail/Culture/Portal.lut?page_id=6837

http://hbalzac.free.fr/comedie.php

http://www.paris-france.org/musees/balzac/furne/presentation.htm

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[bio] Boris Jitkov

[photopress:Jitkov.JPG,thumb,pp_image]Boris Jitkov naît en 1882 près de Nogorov dans le nord de la Russie dans une famille juive aisée. Son père est professeur de mathématiques et sa mère musicienne. Il hérite des deux et sera ainsi passionné et de sciences et de violon. Sa famille s’installe bientôt à Odessa où il fréquente une école privée française, puis le lycée.
Lutte contre l’antisémitisme. Il se lie d’amitié avec le futur écrivain Tchoukovski et le futur leader de l’organisation sioniste mondiale Vladimir Jabotinski. En 1905, Jitkov armera un groupe de défense contre les pogroms et fabriquera des bombes. La dénonciation de l’antisémitisme est ainsi présente dans Viktor Vavitch.
Passions et carrière. Il se passionne pour la photographie et la navigation, ses amis remarquent ses talents de conteur. Il étudie les mathématiques et la chimie à Novorossük puis la construction navale à Saint Petersbourg. Il part ensuite sillonner les mers après l’obtention d’un diplôme d’ingénieur et d’un diplôme de navigateur. Lors de la première guerre mondiale il réceptionne les moteurs anglais pour les sous-marins russes. Après la révolution de 1917, il enseigne les mathématiques et le dessin industriel dans les universités ouvrières.
Un héros de la littérature pour la jeunesse. En 1923, Tchoukovski le pousse à écrire. Il publie l’année suivante un recueil de nouvelles Sur l’eau qui rencontre un succès immédiat. Il devient très vite un grand nom de la littérature jeunesse. Il collabore à nombreuses revues et ses récits sont encore publiés de nos jours. Un seul ouvrage est disponible en français: Les Marins fantômes chez Gallimard Jeunesse. Jitkov emménage à Moscou en 1934 et y meurt quatre ans plus tard.
Viktor Vavitch
Une saga russe. Le roman dresse le portrait de plusieurs personnages qui se croisent durant la révolution de 1905. Viktor Vavitch s’engage dans la police pour épouser Grounia et contrarie ainsi son père. Il est zélé et ambitieux mais ne parvient à rien si ce n’est à se compromettre et à verser dans l’antisémitisme. Sa sœur Taïnka amoureuse d’un flûtiste juif tombera elle dans la folie. Bachkine, après avoir été torturé par la police se retrouve dans une position d’espion auprès de la famille du banquier Tiktine. Nadienka, la fille, amoureuse d’un ouvrier et marxiste s’active, mais les anarchistes comme Aliochka se montrent plus actifs. Sanka, le fils Tiktine, engagé dans la révolution sans réelle conviction tombe amoureux de Tania, une camarade engagée de sa sœur…
Le roman a été écrit entre 1929 et 1934. La révolution de 1905 y est donc envisagée à la lumière de celle de 1917. Ce n’est pas la version officielle du régime stalinien. Les historiens reconnaissent cependant aujourd’hui que celle-ci était fausse et penchent pour celle de Jitkov : les bolcheviks ne furent pas les principaux artisans de la révolution de 1905.
Une œuvre censurée. Certains chapitres de Viktor Vavitch sont publiés en 1932 et des témoignages des contemporains de Jitkov expliquent que ce projet occupe l’essentiel du temps de l’auteur. Cependant après 1934 la peur des purges staliniennes rend Jitkov et ses proches silencieux. Le roman ne figure pas dans la biographie officielle de l’auteur parue en 1955. Le roman a pourtant obtenu une autorisation de publication en 1941. Mais, alors que les exemplaires sont imprimés, l’Union des écrivains condamne le roman comme « inconvenant » et « inutile ». Les exemplaires ne sont pas distribués et le roman tombe dans l’oubli. Des exemplaires sont cependant conservés et il est enfin publié en 1999.
Réception. En 1999, le roman rencontre un certain succès mais la condition du livre est difficile en Russie et il est tiré en peu d’exemplaires. La critique le range aussitôt au côté des grands romans russes comme Guerre et Paix, Vie et destin ou encore le Docteur Jivago, dont l’auteur, Boris Paternak, considérait Viktor Vavitch comme le « meilleur roman sur la révolution de 1905 ».
Si le travail d’historien de Jitkov et les libertés prises par rapport aux canons du réalisme socialiste sont mis en avant, c’est surtout l’originalité de l’écriture qui est remarquée. Jitkov réussit en effet à narrer le destin d’une douzaine de personnages sans recourir à la description. Son style peut être qualifié de cinématographique : les scènes se succèdent, le contexte historique se dessine en toile de fond sans jamais être explicité.
Les traducteurs français Anne Coldefy-Faucard et Jacques Catteau ont été distingués le 17 janvier 2009 à Paris par une mention spéciale de la troisième édition du Prix Russophonie.
Bibliographie sélective
Viktor Vavitch, Calman-Lévy, Paris, 2008.

Blumenfeld Samuel, « L’épopée russe de Boris Jitkov », Le Monde, 19 septembre 2008.

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[bio] Michael Cunningham

[photopress:cunningham.jpeg,thumb,pp_image]Michael Cunningham naît en 1952 à Cincinatti dans l’Ohio (USA) et grandit en Californie à La Cañada. Il est diplômé en littérature anglaise à l’université de Stanford (BA) et en écriture créative à l’université de l’Iowa (MFA). Il se dirige ensuite vers l’enseignement, tout en commençant à publier des nouvelles.
Un écrivain récompensé. Ses nouvelles paraissent dans des revues prestigieuses comme The New Yorker, The Atlantic Monthly ou The Paris Review. En 1989 White Angel est élue meilleure nouvelle américaine de l’année. Les années précédentes, il a également décroché plusieurs bourses de recherche. Il publie en 1990 La Maison au bout du monde (A home at the end of the world) qui reçoit un très bon accueil et est adapté au cinéma. En 1995 il publie De chair et de sang (Flesh and blood) et reçoit le Whiting Writers’ Award. En 1999, c’est la consécration avec Les heures (The hours) qui reçoit le très prisé prix Pulitzer et le PEN/Faulkner Award. En 2002, il publie un ouvrage non fictionnel Land’s End : A walk through Provincetown et un roman en 2005 Le Livre des jours (Specimen days).
Refus d’une étiquette. Bien qu’homosexuel et bien qu’il traite de l’homosexualité dans ses livres, Michaël Cunningham a toujours refusé d’être qualifié d’ « écrivain gay ». Son lectorat dépasse en effet largement la communauté homosexuelle et ses œuvres sont portées à l’écran. Il jouit d’une reconnaissance internationale.
Il vit actuellement à New-York et enseigne au Fine Arts Work Center à Provincetown (Massachusetts) et au Brooklyn College.
The Hours. Le roman publié en 1995 présente en parallèle la journée de trois femmes à trois époques différentes : Virginia Woolf en train d’écrire son roman Mrs Dalloway (qui se déroule également sur une journée), Mrs Brown en train de lire ce roman et Clarissa qui est surnommée comme l’héroïne de ce roman. Chacune se retrouve comme Mrs Dalloway face à son destin…
Réception. La critique a été très élogieuse et les prix reçus par le roman en témoignent (prix Pulitzer et PEN/Faulkner Award). Le travail intertextuel a été salué ainsi que l’écriture et la force de la narration. Les critiques féministes sont plus réservées et rappellent qu’il ne suffit pas de mettre en scène des femmes et de parler de lesbianisme pour être féministe.
Adaptation cinématographique. Le roman a été porté à l’écran par Stephen Dalry en 2003 avec un scénario de David Hare. Le film a lui aussi été salué par la critique et récompensé.
Bibliographie sélective

The Hours, Fourth Estate, Londres, 1999.
Pour aller plus loin

http://www.michaelcunninghamwriter.com/

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[bio] Agatha Christie

[photopress:agatha_christie.jpg,thumb,pp_image]Agatha Christie naît Agatha Miller le 15 septembre 1890 à Torquay en Angleterre, dernière venue dans une fratrie de trois enfants.

Une éducation maternelle. Son père meurt en 1901 alors qu’elle n’est encore qu’une enfant ce qui la rapproche de sa mère, Clara Miller. Elle avait déjà choisi de l’instruire à la maison avec l’aide de précepteurs, elle va maintenant l’emmener dans ses voyages, une passion qu’elle léguera à Agatha. Clara remarque que sa fille aime écrire et l’encourage dès son plus jeune âge. En 1906 elle l’envoie à Paris pour étudier le chant et le piano. Sa timidité va lui interdire d’entreprendre une carrière musicale.

La première guerre mondiale. En 1914 Agatha épouse un officier de l’armée de l’air, Archibald Christie, après une romance de deux ans. Le couple aura une fille, Rosalind, née en 1919. La guerre va séparer les jeunes mariés. Agatha ne se contente pas d’attendre, elle participe à l’effort de guerre en devenant infirmière. Elle renouvellera cette action durant la seconde guerre mondiale. Elle passe également l’examen de pharmacienne. Elle en retire une connaissance des poisons qu’elle mettra à profit dans son premier roman The Mysterious Affair at Styles. Celui-ci n’est publié qu’en 1920 car il peine à trouver un éditeur mais il a droit à un article élogieux dans le journal des pharmaciens pour le réalisme de l’empoisonnement qu’il met en scène. Il marque également les débuts du détective belge Hercule Poirot qui reviendra dans plus de quarante ouvrages.

1926. Cette année est la plus célèbre de la biographie de la romancière. Elle marque tout d’abord sa consécration avec la publication du Meurtre de Roger Acroyd. Puis, sur le plan personnel, c’est l’année de la rupture entre Agatha et son mari qui la quitte pour une autre peu avant la mort de Clara Miller dont elle était restée très proche. Mais, pour la presse et les biographes, 1926 demeure avant tout l’année de la mystérieuse disparition d’Agatha Christie. Pendant onze jours en décembre personne ne sait où elle est. Cette disparition fait la une des journaux. On la retrouve dans un hôtel de Harrogate sous le nom de la maîtresse de son mari. Elle prétend ne plus se rappeler pourquoi et comment elle est arrivée là. Le mystère demeure encore aujourd’hui, certains biographes parlent de coup médiatique.

Succès et reconnaissance. Lors de son second voyage à Bagdad, Agatha rencontre l’archéologue Max Mallowan qu’elle épouse en 1930. Le métier de son époux lui permet de se livrer à sa passion des voyages dans lesquels elle trouve la matière et les décors de plusieurs romans. Elle enchaîne les succès en librairie et les critiques la saluent. Parfaitement à l’aise avec les contraintes du genre policier, elle sait varier les personnages, les lieux et les intrigues. Elle rédige également des pièces de théâtre policières. La plus célèbre, La Souricière (The Mousetrap) a été à l’affiche de la programmation londonienne sans interruption durant trente ans. Agatha Christie a également écrit six romans romantiques publiés sous le pseudonyme de Mary Westmacott et une autobiographie qu’elle complètera jusqu’à sa mort et qui ne sera donc publiée qu’après, en 1977. En 1967, elle devient présidente du British Detection Club et quatre ans plus tard elle est faite « Dame of the Bristish Empire ». Elle meurt le 12 janvier 1976 en laissant plus de 100 ouvrages traduits dans de nombreuses langues et souvent adaptés au cinéma et à la télévision. Elle demeure l’auteure la plus lue de tous les temps.
En 2009, les manuscrits de deux nouvelles inédites mettant en scène Hercule Poirot  ont été retrouvés et doivent être bientôt publiés: The Mystery of the Dog’s Ball et The capture of Cerberus. (http://www.guardian.co.uk/books/2009/jun/05/two-unpublished-poirot-stories-found ).
The murder at the vicarage.
Le colonel Protheroe, individu peu apprécié des siens, est assassiné dans le presbytère de St Mary Mead. Les suspects ne manquent pas : sa femme infidèle, l’amant jaloux de sa femme, sa fille avide d’héritage, le vicaire… L’inspecteur Slak ne sait que faire de cette liste à la différence de Miss Jane Marple, une vieille dame qui a pourtant l’air d’une villageoise ordinaire… Les apparences sont parfois trompeuses : derrière la vieille fille paisible qui prend son thé chaque jour à la même heure se cache une détective rusée et experte de la nature humaine.

Réception. Le roman, publié en 1930, marque les débuts de Miss Marple qui, déjà apparue dans une nouvelle en 1926, sera l’héroïne de dix-sept aventures entre 1930 et 1977 et demeure au côté d’Hercule Poirot l’héroïne la plus célèbre de l’auteure, et sa préférée selon les biographes.
Succès dès sa publication, il continue de se vendre sur tout le globe et a été adapté sur grand et petit écran.

Critiques féministes. Les critiques d’Agatha Christie peuvent se ranger dans deux écoles opposées dans lesquelles peuvent s’inclure les critiques féministes. Les premières considèrent qu’Agatha était une conservatrice, que ses romans perpétuent les oppositions traditionnelles de classe et la tradition instituée par Poe et Conan Dyle du détective rationnel et tout puissant qui vient apporter la vérité unique et rétablir l’ordre. Les critiques féministes de cette école vont lui reprocher de perpétuer les préjugés de genre : ainsi Hercule Poirot utilise des méthodes logiques et rationnelles alors que Miss Marple s’appuie sur son expérience quotidienne et son intuition. Ses critiques refusent donc aux romans d’Agatha Christie le qualificatif de féministes, qualificatif qu’elle réserve à un sous-genre apparu à la fin des années 1970 et développant des intrigues féministes. Au contraire d’autres critiques s’inscrivant dans les partisans d’une Agatha Christie réformatrice, loue le recul dont elle fait preuve par rapport à la société qu’elle décrit. Elles remarquent notamment la distance dont elle fait preuve vis à vis du personnage d’Hercule Poirot, quand elle semble par contre s’identifier à ses héroïnes, des femmes modernes et aventurières (Merja Makinen, Agatha Christie : Investigating Feminity, Palgrave Macmillan, 2006). Ces critiques saluent également comment Agatha Christie décrit la situation des femmes intelligentes dans la société : elles doivent comme Miss Marple se cacher car les préjugés les empêchent d’être prises au sérieux. (http://women.timesonline.co.uk/tol/life_and_style/women/the_way_we_live/article6321690.ece).
Bibliographie sélective
The murder at the Vicariage, Harper Collins, 2002.
Agatha dans tous ses états, H. BOUCHARDEAU, Flammarion, 1998.

Pour aller plus loin
http://www.agathachristie.com/
http://agatha.christie.free.fr/
http://faculty.evansville.edu/ra2/

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[bio] Karen Joy Fowler

[photopress:kjfowler.jpg,thumb,pp_image]
Karen Joy Fowler naît le 7 février 1950 à Bloomington dans l’Indiana où elle vit pendant onze ans avant de déménager en Californie.
Une femme engagée. Elle étudie de 1968 à 1972 à Berkeley où elle décroche une licence de sciences politiques. Elle obtiendra deux ans plus tard un master dans la même matière à Davis. Sur le campus elle participe au mouvement contre la guerre au Vietnam. « My world view rises from an adolescence spent watching the civil rights movement on TV. The antiwar movement was an extension of that and also my feminism » (« Ma vision du monde vient d’une adolescence passée à regarder à la télévision le mouvement pour les droits civils. Le mouvement contre la guerre était une extension de cela, de même que mon féminisme »), confie-t-elle ().
Une écrivaine de science-fiction. Karen Joy Fowler se consacre après ses études à l’éducation de ses enfants. Elle explique qu’elle a décidé de devenir écrivaine le jour de ses trente ans, en partie parce que des problèmes au genou la contraignaient à renoncer à son cours de danse qui se tenait le même soir que le cours d’écriture. Karen se révèle vite douée et son premier recueil de nouvelles Artificial things en 1986 est remarqué par la critique. Son second recueil de nouvelles fantastiques paru en 1997, Black Glass reçoit le prix World Fantasy. Son premier roman, Sarah Canary, paru en 1991, reçoit la médaille du Commonwealth comme meilleur premier roman californien. La même année, Karen collabore avec Pat Murphy à la création d’un prix littéraire le « James Tipree Jr Award » qui récompense les récits fantastiques ou de science fiction qui explore ou augmente notre compréhension du genre (gender). Cependant sa qualité d’auteure de sciences fiction a été controversée, notamment au sujet de sa nouvelle What I didn’t see, primée par un Nebula en 2003, prix qu’elle reçoit également en 2008 pour sa nouvelle Always.
Mais pas seulement de science fiction…. Les nouvelles et les romans de Karen Joy Fowler abordent des questions historiques et féministes. Elle sait toucher les lecteurs non amateurs du genre et c’est pourquoi elle est reconnue par tous ses pairs. Son second roman, The sweatheart season, paru en 1996 et son troisième roman Sister Noon, paru en 2001, sont tous deux finalistes pour le PEN/Faulkner Award. C’est d’ailleurs en quittant le genre de la science fiction qu’elle rencontre son plus grand succès, en 2004, avec The Jane Austen Bookclub. La critique admire son style et la profondeur de ses personnages.
Son dernier roman, Wit’s End est paru en avril 2008. Elle vit en Californie avec son mari.
The Jane Austen Bookclub. Le roman publié en 2004 est construit autour des six membres d’un club de lecture qui se rencontrent chaque mois pour discuter d’un roman de Jane Austen. C’est aussi l’occasion de réfléchir et de faire le point sur leur vie, leur passé, leur avenir. L’auteure présente l’ouvrage comme un hommage à la romancière britannique : « I admire and love Austen so it was great fun to write the book and read and reread her over and over again » (« J’admire et j’aime Austen aussi ce fut un grand plaisir d’écrire le livre de la lire et de la relire encore et encore ») ( http://www.stmarys-ca.edu/external/Mary/archive/Mary_spring2004/interviews/karenjoyfowler.html).
Réception. La critique et le public ont aimé. La critique a salué le style, l’imagination et l’hommage rendu à Jane Austen. Le roman a fait partie de la liste des bestsellers du New York times pendant 13 semaines.
Adaptation cinématographique. Le roman a été porté à l’écran par Robin Swicord en 2007.
Bibliographie sélective
The Jane Austen Bookclub, Penguin Books Gb, 2005.
Pour aller plus loin
http://www.karenjoyfowler.com/index.htm

http://www.tiptree.org/?see=front_page

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[bio] Olympe de Gouges

[photopress:gouges_1.jpg,thumb,pp_image]Olympe de Gouges nait à Montauban en 1748.
Une enfant illégitime. Elle s’appelle alors Marie Gouzes. Selon l’état civil elle est la fille d’Anne-Olympe Mouisset et de Pierre Gouzes, boucher. Mais ce dernier était loin du domicile conjugual neuf mois auparavant. Il avait été éloigné de son épouse par le marquis Jean-Jacques Lefranc de Pompignan, véritable père de l’enfant et amour de jeunesse de sa mère revenu depuis peu à Montauban. Il gardera des liens avec la mère et la fille jusqu’en 1754, date à laquelle il disparaît pour épouser une héritière riche et noble. Le « secret » de sa naissance jouera un rôle dans l’existence de la future Olympe. Elle restera marquée par l’inégalité qui a interdit l’union de ses parents et l’a privée à la fois d’un père et d’une éducation. Elle cherchera adulte à rattraper ces manques. Elle est mariée en 1765 au traiteur Aubry dont elle a aussitôt un fils, Pierre.
Paris. En 1768 elle est veuve. Un an plus tard elle rencontre Jacques Biétrix, qui lui propose une installation dans la capitale et le mariage. Elle refuse de convoler mais se réjouit de pouvoir partir à Paris. Elle change alors d’identité et devient Olympe de Gouges. A Paris elle mène une vie digne de sa naissance. Elle fréquente des salons, est proche du duc d’Orléans qui s’occupera de l’éducation de son fils. Elle fréquente l’élite du Palais Royal et les cercles littéraires et artistiques dont elle veut se rapprocher davantage en emménageant rue Poissonnière en 1778.
Carrière littéraire. Olympe en effet veut devenir une femme de lettres même si elle sait à peine lire et écrire. La dictée est de toutes façons la coutume. Elle attend la mort de son père pour publier les Mémoires de Madame Valmont, un roman épistolaire autobiographique où elle révèle le « secret » de sa naissance et dénonce cette société qui permet une telle situation. Elle se lance alors dans une production théâtrale abondante. Ses œuvres dénoncent l’esclavage (L’esclavage des Noirs), l’emprisonnement pour dettes (L’Homme généreux), l’obligation d’entrée au couvent pour les jeunes filles sans dot (Les vœux forcés), le mariage (La nécessité du divorce). Elles ont du mal à trouver des théâtres qui les mettent en scène. Olympe est controversée et se montre intransigeante : elle ne veut pas adapter ses pièces aux mœurs ou aux désirs du public.
Révolution. Olympe publie ses premiers écrits politiques en 1778. Elle est très enthousiaste face aux premiers mouvements révolutionnaires. Elle veut être au cœur de l’action, publie des pamphlets, écrit des pièces pour servir l’égalité et la liberté. Très vite elle est déçue. Elle comprend que les révolutionnaires, souhaitent tenir les femmes à l’écart et ne pas leur accorder plus de droits que l’Ancien Régime. Elle rédige alors en 1791 une Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne qu’elle adresse à la Reine Marie-Antoinette. « La femme naît libre et demeure égale à l’homme en droits ». Elle comprend également rapidement que la Révolution tourne mal. Elle s’oppose à la condamnation à mort du Roi et à l’arrestation des Girondins. Elle écrit contre Robespierre. Elle sait que ses jours sont comptés et publie en juin 1793 un testament politique. Elle est en effet arrêtée en juillet 1793 et, après avoir séjourné dans plusieurs prisons, est enfermée à la Conciergerie. Elle ne cesse d’écrire durant sa détention. Son procès se tient le 2 novembre 1793. Il est injuste et expéditif comme c’est alors la coutume. Elle est condamnée à mort. La sentence est exécutée le 3 novembre 1793.
Postérité et féminisme. 200 ans après sa mort les femmes réclament pour elle le Panthéon et des établissements portent son nom. Il aura fallu près de deux siècles pour que les français se rappellent de cette figure de la Révolution. Le 17 novembre 1793 la Feuille du salut public, un journal révolutionnaire, ouvre en effet une longue période d’oubli : « Elle voulut être homme d’Etat et il semble que la loi ait puni cette conspiratrice d’avoir oublié les vertus qui conviennent à son sexe ». C’est en effet parce qu’elle a demandé pour les femmes les mêmes droits que les hommes qu’Olympe de Gouge a été oublié des historiens jusqu’à la fin du XXème siècle. Olivier Blanc au début des années 80 va la révéler au public et à ses pairs historiens, puis les féministes vont s’y intéresser. Le bicentenaire de la Révolution est favorable à la découverte d’Olympe. Ses œuvres sont ainsi éditées en 1793 et elle est aujourd’hui reconnue comme une féministe qui a agi pour le droit des femmes et l’amélioration de leur sort. Elle fut également victime de la place laissée aux femmes dans la société.
Bibliographie sélective

Olympe de Gouges, Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, Mille et une nuits, 2003.

Mousset Sophie, Olympe de Gouges et les droits des femmes, 2003, Le Félin / 2007, Pocket : « Ce petit livre a pour vocation d’éveiller quelque intérêt pour l’étonnante Olympe de Gouges ».

Blanc Olivier, Marie-Olympe de Gouges : Une humaniste à la fin du XVIIIe siècle, René Viénet, 2004
Pour aller plus loin

http://8mars.online.fr/article.php3?id_article=216

http://www.aidh.org/Biblio/Text_fondat/FR_03.htm
Documents gracieusement communiqués par Mme Françoise Zylberberg :

[photopress:MOdG__Mettais_03_11_1793___1.jpeg,full,alignleft]
1. Exécution d’Olympe de Gouges, enceinte, après un jugement de dix minutes sans avocat, exécution décidée à l’évidence par Robespierre et ses complices des comités.

[photopress:MOdG_AN_affiche__OdG_au_Trib_rev__photo_ERV__1.jpg,full,alignleft]
2. Affiche, remarquable, la dernière qu’elle imprima, trouvée dans le dossier de sa condamnation à mort, aux archives nationales.

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[bio] Frances Hodgson Burnett

Frances BurnettFrances Hodgson naît le 24 novembre 1849 à Cheetham Hill en Angletterre. Seize ans plus tard elle suivra sa mère aux États-Unis et obtiendra la nationalité américaine en 1905.

L’imagination contre la pauvreté. Son père décède quatre ans après sa naissance, laissant cinq orphelins et très peu d’argent. Sa veuve reprend l’entreprise familiale mais échoue. Elle vend en 1864 et déménage à Knoxville dans le Tennessee où son frère l’appelle à l’aide. En dépit des difficultés financières de sa famille, Frances semble avoir vécu une enfance heureuse. Elle commence à écrire des poèmes et de petites histoires dès l’âge de sept ans. Son imagination apparaît avoir toujours été une arme pour s’évader de son quotidien. Elle va bientôt lui permettre de s’en sortir au sens propre. Pour payer les timbres de son premier envoi à un éditeur, elle doit voler et revendre du raisin. Ses premières histoires sont publiées en 1868. Elle se met alors à en écrire cinq ou six par mois afin d’aider financièrement les siens.
Gloire littéraire. Elle épouse Samuel Burnett en 1873. Ils auront deux fils : Lionel et Vivian. Ils voyagent beaucoup au début de leur union en Angleterre et en France avant de s’installer dans la capitale américaine en 1877. C’est à cette époque que Frances fait paraître son premier roman The Lass o’ Lowrie’s, aussitôt acclamé par la critique. L’écrivaine commence alors à fréquenter les milieux littéraires et enchaîne les succès : Haworth (1879), A Fair Barbarian (1881), Through One Administration (1883). Elle s’occupe également d’adapter ses œuvres au théâtre. Mais au fur et à mesure que grandit sa célébrité, elle se sent de plus en plus déprimée. Elle est de plus attaquée dans ses choix de vie : elle évolue en effet dans un milieu masculin et s’absente souvent de son foyer. Son premier roman pour la jeunesse Little Lord Fauntleroy est publié en 1885 et reçoit un succès inédit pour un livre pour enfant.
Combat pour le respect de la propriété intellectuelle. Dès la publication de son premier roman, Frances a été confrontée à l’absence de droits d’auteur en Angleterre et sa biographie est marquée par une attention constante à cette question. En 1887 alors qu’elle voyage en Europe avec ses deux fils, elle apprend que Seebohm va adapter sans autorisation Little Lord Fauntleroy au théâtre. Elle se dépêche de se rendre à Londres, d’écrire et de monter sa propre adaptation qui remportera en 1888 un succès plus important que sa « copie ». Frances attaque alors Seebohm en justice et gagne. Elle crée ainsi une jurisprudence qui lui vaut les remerciements de la société des auteurs britanniques.
Traquée. Son fils ainé meurt en 1890 et elle met un certain temps à faire son deuil. La presse ne respecte ni son chagrin ni son désir de se retirer de la vie publique. Elle continue à la critiquer, à écrire sur sa vie privée. Elle divorce en 1898 et se remarie en 1900 avec Stephen Towsend. Ce remariage serait dû à un chantage, toujours est-il qu’il ne durera que deux ans. Elle ne cesse d’écrire et de publier : The One I Knew Best Of All (une autobiographie, 1893), A Lady of Quality (1896), His Grace of Osmonde (1897), Emily Fox-Seton (1901), A Little Princess (1905), The Shuttle (1906), The Dawn of Tomorrow (1909), The Lost Prince (1915), Robin (1922), The Head of the House of Coombe (1922). Plus les critiques sur sa personne se déchaine, plus elle essaye de se cacher pour cultiver son jardin. Cette attitude aurait inspiré son roman demeuré le plus célèbre, The Secret Garden (1911). Sa dernière apparition publique a lieu lors de la première de l’adaptation cinématographique de Little Lord Fauntleroy en 1921. Elle meurt le 29 octobre 1924.
A Little Princess
Le roman paraît en 1905. C’est l’adaptation d’une pièce de théâtre, Sara Crewe, que Frances Hodgson Burnett a écrit en 1888. Sara est la petite princesse de son père qui l’inscrit cependant dans le pensionnat de Miss Minchin. Elle y est également traiter comme une princesse jusqu’au décès de son père. Puisqu’aucun exécuteur testamentaire ne s’acquitte les frais de scolarité, « charitablement », la directrice accepte de garder Sara comme servante. Malgré cette déchéance, Sara continue de se comporter avec dignité, « en princesse »…
Réception.  La publication du roman, de même que la pièce qui l’a précédé, est un succès et les critiques sont élogieuses. Les nombreuses adaptations cinématographiques et télévisuelles (dont un célèbre animé dans les années 1980 : http://www.petite-princesse.fr/index.htm) soulignent que cette popularité n’a pas tari avec le temps.
Critiques féministes. Longtemps dédaigné par les critiques et oublié des études sur la littérature victorienne comme tous les romans destinés à la jeunesse, il est ensuite rejeté par les féministes qui le réduisent à une reproduction des idéaux de la société patriarcale. Les études vont à partir des années 80 s’affiner et les plus complètes s’intéressent surtout à l’intertextualité, notamment à l’utilisation du mythe de Cendrillon comme stratégie subversive pour contester les résultats idéalisés des contes de fée (Donald Hasse,Feminism and Fairy Tales, Wayne State University Press p.20). Sara en effet utilise des personnages littéraires comme paradigme à sa situation (S. Forster et J.Simons, What Katy read : feminist re-readings of classic stories for girls, University of Iowa Press, 1995, p.178). Elle fait certes preuve des vertus classiquement attribuées aux femmes, mais son imagination est un pouvoir réel. L’auteure dans son œuvre semble attribuer ce pouvoir à l’enfance indépendamment du genre.

Bibliographie sélective
A Little Princess, Penguin Books Gb.
The Secret Garden, Penguin Books Gb.
Gretchen Gerzina, Frances Hodgson Burnett, Chatto, 2004.
Pour aller plus loin
http://www.online-literature.com/burnett/
http://www.tickledorange.com/FHB/index.html
Ecrit par Daisy (14/06/09).