Il y a dans le livre une référence filée à l’Ecole des femmes de Molière.
L’auteure insiste sur la déception des femmes instruites, la société n’étant pas prête à les recevoir. La société ne veut que des Henriette (Cf. p. 154)
Pourquoi cette différence entre les filles et les garçons ?
L’ouvrage Lycéenne 1905 témoigne, nous l’avons dit dans le premier poste, d’une inégalité constante entre les deux sexes. Pourquoi?
Plusieurs raisons sont avancées :
– Différence biologique : ont-ils des capacités intellectuelles différentes ?
– Différences sociales : doivent-ils se préparer à des rôles différents dans la société?
– Ou les hommes ont-ils simplement peur de la concurrence des femmes?
Il me semble que l’auteure penche pour cette dernière solution : les hommes ont cherché à masquer leurs peurs par des arguments biologiques et moraux.
Le film décrit la préférence de Léopold Mozart pour son fils, Wolfgang. Il lui apprend davantage, l’encourage davantage, le présente davantage. Est-ce parce qu’il est plus doué ou est-ce parce qu’il est un garçon?.
Il est possible de poser le problème autrement : Nannerl est-elle moins douée de Mozart de naissance? Ou est-elle moins douée parce que son père lui enseigne moins, l’encourage moins et la présente moins?
Le film se termine sur Nannerl brûlant ses partitions : Pourquoi ? Parce qu’une carrière dans la musique est impossible, parce qu’elle ne veut pas décevoir ses parents ? Cède-t-elle aux préjugés ou les préjugés sont-ils plus forts qu’elle?
La soeur de Shakespeare est une fiction que Virginia Woolf a créé pour penser la condition des femmes auteures. Qu’en est-il de la soeur de Mozart?
Dans un premier temps, elle semble plus réel. Mozart avait une soeur ainée qui a joué de la musique avec lui et qui un jour s’est mariée et n’a plus fait de musique. Mais, comme nous n’en savons plus, il s’avère qu’elle est très proche de la soeur de Shakespeare. Le film de René Féret est une fiction destinée à nous présenter la condition des femmes musiciennes au temps de Mozart.
Si la soeur de Mozart avait voulu devenir une musicienne et une compositrice, elle se serait heurtée à d’insurmontables obstacles. Certains sont présentés dans le film : Instruments, cours interdits aux femmes…
On a donc un personnage fictif pour décrire une condition réelle.
Vigée-Lebrun a connu le succès de son vivant mais a ensuite été oubliée. Elle a été redécouverte à la fin du XXème.
Simone de Beauvoir dans le Deuxième sexe est sévère à son égard : « Au lieu de se donner généreusement à l’œuvre qu’elle entreprend, la femme la considère comme un simple ornement de sa vie ; le livre et le tableau ne sont qu’un intermédiaire inessentiel, lui permettant d’exhiber cette essentielle réalité : sa propre personne. Aussi est-ce sa personne qui est le principal – parfois l’unique- sujet qui l’intéresse : Mme Vigée-Lebrun ne se lasse pas de fixer sur ses toiles sa souriante maternité »
Nous avons déjà répondu que le thème de la maternité était un trait de l’époque. Mais au-delà, en remarquant que beaucoup conteste le talent de Vigée-Lebrun, on est en droit de se demander ce qui dérange chez Mme Vigée-Lebrun : qu’elle fasse des portraits de personnes riches? qu’elle soit une femme ? qu’elle soit ambitieuse ? Ou bien qu’elle soit une femme ambitieuse ?
Il est certain que les souvenirs écrits par Vigée Lebrun elle-même ressemblent beaucoup à une campagne marketing. Si l’on passe à la précarité de l’artiste et de la femme à cette époque, on comprend pourquoi.
Le ton est léger et les intentions impures mais le texte demeure agréable.
Vigée-Lebrun était-elle orgueilleuse et imbue d’elle-même? Je trouve intéressant quel’artiste fasse preuve de confiance : elle est sûre de sa beauté, de son talent, de son statut d’artiste. On nous présente trop souvent des femmes peu sûres d’elles, trop modestes (je pense aux romcom notamment), j’ai beaucoup apprécié l’assurance de Mme Vigée Lebrun. Elle excuse sa vanité dans le tome II par le dur travail fourni, cela me paraît assez juste.
Les Souvenirs d’Elisabeth Vigée-Lebrun nous renseignent sur le statut de la femme artiste.
Elle n’a aucune autonomie financière. C’est son beau-père puis son mari qui empoche tous ses cachets. Elle confie n’avoir reçu un salaire qu’une fois dans sa vie. (tome I) Son mari dispose non seulement de ses cachets mais aussi de ses œuvres.
On sent également qu’elle se doit de plaire à ses clients. Geneviève Haroche-Bouzinac le confirme dans sa biographie (Flammarion, 2011). Elle retouche par exemple un tableau pour Catherine II, elle doit accepter de peindre Caroline Murat qui ne respecte pas son travail. Elle a pourtant envie de peindre pour son plaisir.
Elle aime contempler les œuvres. Elle se forme par la fréquentation des œuvres d’art. Elle aime Rubens (d’où le chapeau de paille qui revient souvent)
Le personnage de Lily dans To the lighthouse nous offre à mon avis la parfaite transition avec notre prochain thème.
C’est une femme peintre.
Elle se revendique artiste, célibataire. Elle ne veut pas se sacrifier pour un foyer. Elle refuse d’être considérée comme une malheureuse : elle a choisi de ne pas avoir de foyer.
Elle veut se consacrer à son art.
En 1931, Woolf écrit « “Killing the Angel in the House was part of the occupation of a woman writer.”
Il n’est pas possible d’être les deux : il faut choisir ou Lily ou Madame Ramsay, mais une femme ne peut pas être les deux.
Ce choix est-il toujours vrai aujourd’hui?
Brownie n’avait pas de contrat, toutes les femmes qui ont fait la fortune des tupperware étaient des « travailleuses indépendantes » p.253. Nous mettons ici le doigt sur une caractéristique du travail féminin. « Indépendantes » a quelque chose d’ironique quand on sait que cela signifiait le droit de les remercier du jour au lendemain. Elles étaient en quelque sorte invisibles, absentes des registres de l’entreprise.
Dans The Stepford wives, c’est le travail invisible des femmes foyers qui est mis en avant. C’est un travail tellement peu reconnu qu’elles peuvent disparaître du jour au lendemain sans que personne ne s’inquiète (à part Joanna)
Amélia aussi est exploitée par le professeur Woods tout d’abord puis par le rédacteur en chef du journal qui lui dicte ses sujets.
Brownie a un mantra qui peut paraître un peu naïf : « rien ne résiste à une femme qui le veut vraiment ».
Aujourd’hui cela fait seulement penser à de la pensée positive, mais je pense qu’à son époque elle proposait une révolution sociologique avec ce programme. Les femmes n’étaient pas autoriser à vouloir (les robots Stepford ne veulent pas).
Bettelheim met en avant un conflit pour les femmes entre l’amour et la carrière, entre la famille et le travail (p.294). Il regrette que la solution la plus souvent choisie est de privilégier un élément du conflit au détriment de l’autre. En quelque sorte Mead choisit cette solution en faisant l’éloge de la maternité.
Bettelheim n’avance pas de solution car il est très conscient des limites de la psychanalyse qui peut traiter que des cas individuels.
Il affirme cependant que les parents et les éducateurs doivent prendre au sérieux « l’éducation à égalité des deux sexes ». Cela me paraît tout à fait pertinent.
A mon avis la solution au conflit est un meilleur partage des tâches ménagères et de l’édiucation des enfants au sein de la famille. Je l’ai déjà dit dans ces pages.