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[club] Camille Claudel – Du frère à la soeur, du maître à la disciple : les ombres masculines

camille claudel 1Nous avons vu avec Artemisia Gentileschi que l’ombre du père planait sur sa carrière et sur sa reconnaissance, encore aujourd’hui, en tant qu’artiste peintre. Le même phénomène s’observe à propos de Camille Claudel, à laquelle la biographe au programme de notre club ce mois-ci est venue par la connaissance de l’oeuvre de son frère, Paul Claudel. Anne Delbée est en effet une femme de théâtre (elle-même préférant le terme « homme de théâtre »), fille de Jean-Louis Barrault, qui a ressenti sa vocation théâtrale lors d’une représentation d’une pièce de Paul Claudel.

Les relations du frère et de la soeur sont abordés dans l’ouvrage ; mais la figure masculine la plus importante pour Camille Claudel, c’est celle de Rodin, qui à la fois catalyse, cristallise et vampirise le talent de Camille. Là où le frère est une figure masculine positive, que la postérité aura davantage mieux en avant que sa soeur, le maître Rodin est un danger pour la femme artiste, mis en position de prédateur. Les relations de concurrence propres au champ artistique prennent alors un tour de séduction potentiellement perverse.

Comment penser sereinement les rapports hommes/femmes dans un contexte concurrentiel ? J’ai l’impression que notre examen des écrivains femmes a certes relevé des rapports de ce type mais que la dimension de prédation de la part des rivaux masculins n’était pas si forte : qu’en penses-tu ?

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[club] Artemisia – témoignage sur la condition des femmes et des artistes

artemisia 3La vie d’Artemisia rappelle la violence des destins féminins : mort en couches de la mère, viol et mort de ses deux fils. Elle rappelle également l’importance de l’honneur : honneur indispensable pour se marier ou en d’autres termes exister.

La vie d’Artemisia évoque aussi les difficultés des artistes :
– besoin des mécènes ;
– besoin de commandes, besoin de plaire ;
– besoin de se détacher du maître ;
– jalousies (on veut attribuer ses succès à ses charmes plutôt qu’à son talent)
– difficulté à concilier art et vie privée (rupture avec Nicholas Lamier)

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[club] Artemisia – Le père Pygmalion

images.duckduckgo.comDans Artemisia, Orazio Gentileschi est présenté comme un Pygmalion qui instrumentalise sa fille à ses propres fins : elle doit terminer son oeuvre. Dans la réalité, qu’en a-t-il été ?

Le musée des Beaux Arts de Nantes conserve une toile peinte par le père et la fille : contrairement aux autres toiles d’Artemisia, il présente une Diane aérienne, à la peau diaphane, vue de dos comme dans une vision pudique de sa nudité.

Est-ce là une vision idéalisée de la fille par son père ? Une représentation de la femme idéalisée telle que pouvait la véhiculer la Renaissance ? Elle contraste en tout cas avec les visages sérieux et fermés des sainte Cécile d’Artemisia.

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[club] Artemisia – Judith et Holopherne

Gentileschi_judith1 judith 2Le roman présente en son début Artemisia comme la fille violée à 17 ans par le collaborateur de son père. C’est en effet par cette anecdote peu réjouissante que j’ai moi-même découvert l’oeuvre d’Artemisia, en relation avec deux de ses tableaux dépeignant Judith et Holopherne.

La décollation est parfois interprétée comme le symbole de la castration en lecture freudienne de l’histoire de l’art : ici, cette lecture prend tout son sens tant la scène dépeinte est violente. C’est aussi la violence des rapports hommes/femmes à la Renaissance qui est peinte ici ; à ceci près que Judith semble possédée par la vengeance, ce qui ne colle pas à la lettre du texte biblique (même si Judith tue Holopherne pour défendre son peuple).

Faut-il voir cette peinture comme un exutoire, personnel et pour toutes les femmes au XVIe siècle ?

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[club] Artemisia – Notre bookclub au coeur de l’actualité ?

5 a-gentileschi-autoritratto-come-allegoria-della-pitturaL’auteur du roman intitulé Artemisia signale à propos de son intérêt pour le sujet qu’il est né à l’occasion de la visite d’une exposition sur les femmes peintres de la Renaissance montée à Los Angeles. Elle met en lien cette exposition et son projet avec un climat ambiant aux Etats Unis, manifesté par l’obligation de consacrer 30% des recherches universitaires en histoire de l’art pour étudier : ce sont les Gender Studies et les Cultural Studies, qui s’ancrent dans la pratique de la discrimination positive.

D’où ma question, qui est un peu à côté de notre sujet d’aujourd’hui mais en plein dans ce qui sous-tend le projet de ce site dans son ensemble : sommes-nous, malgré nous, à la mode ? Et que cachent toutes ces subventions accordées à l’étude des « minorités » : une véritable politique d’égalité des chances ou un masque pour couvrir les inégalités demeurantes ?

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[club] Jeanne Ancelet-Hustache – L’école des femmes

ecoleIl y a dans le livre une référence filée à l’Ecole des femmes de Molière.

L’auteure insiste sur la déception des femmes instruites, la société n’étant pas prête à les recevoir. La société ne veut que des Henriette (Cf. p. 154)

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[club] Jeanne Ancelet-Hustache – Pourquoi cette différence entre les garçons et les filles?

garcon fillePourquoi cette différence entre les filles et les garçons ?

L’ouvrage Lycéenne 1905 témoigne, nous l’avons dit dans le premier poste, d’une inégalité constante entre les deux sexes. Pourquoi?
Plusieurs raisons sont avancées :
– Différence biologique : ont-ils des capacités intellectuelles différentes ?
– Différences sociales : doivent-ils se préparer à des rôles différents dans la société?
– Ou les hommes ont-ils simplement peur de la concurrence des femmes?

Il me semble que l’auteure penche pour cette dernière solution : les hommes ont cherché à masquer leurs peurs par des arguments biologiques et moraux.

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[club] Jeanne Ancelet-Hustache – Un parcours de femme au XXe siècle

9782020407649Je voulais dire mon étonnement à la lecture de cet ouvrage.

Jeanne Ancelet-Hustache est un auteur que j’ai découvert lorsque j’ai étudié Maître Eckhart : c’est une de ses meilleurs traducteurs (éd. du Seuil) et rédigé un livre d’introduction à sa pensée qui reste fondamental. Elle a soutenu une thèse à la Sorbonne sur une béguine, Mechtild de Magdeburg.

Je n’imaginais que son parcours avait été si long et si peu évident. Qu’elle avait emprunté plusieurs voies (allemand, lettres) avant d’accéder à l’enseignement dans le supérieur et que cet accès n’avait pas été sans heurt : elle rapporte un professeur d’université qui avait refusé qu’une femme lui succède sur sa chaire. Alors que son autorité est aujourd’hui reconnue sans l’ombre d’un doute.

J’ajoute qu’elle fait partie des femmes ayant mené ses études en travaillant, en étant mariée et mère de famille, ce qui n’était pas plus courant à l’époque qu’aujourd’hui.

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[club] Jeanne Ancelet-Hustache – Ambiance au lycée de filles

414q22zhwbl-_sx195_Dans son récit de vie au lycée pour jeunes filles, Jeanne Ancelet-Hustache n’esquive aucun sujet. Pas même celui, un peu périlleux, des amitiés féminines un peu trop affectueuses. Elle fait le portrait d’une directrice peu amène, desservant presque la cause des jeunes filles dont elle doit assurer l’éducation à force de soupçons mal placés. Dans son ouvrage, elle nous retrace le programme scolaire, les relations des élèves entre elles.

Le lycée de filles n’avait pas l’air bien différent d’un lycée de garçons…

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[club] Jeanne Ancelet-Hustache – Accès des femmes à l’éducation en France, un combat (presque) oublié

Jeanne Ancelet-Hustache, écrivain, professeur et historienne de la religion française. France, vers 1930.
Jeanne Ancelet-Hustache, écrivain, professeur et historienne de la religion française. France, vers 1930.

Je commencerai par relever la fin de l’ouvrage, où J. Ancelet-Hustache mentionne toutes les femmes ayant accédé à un poste à haute responsabilité entre 1948 et les années 80 : « Toutes mes félicitations, mesdames. Personne n’a pu vous les adresser plus chaleureusement que moi, mais quand je lis que l’une d’entre vous a obtenu ce dont elle rêvait « depuis son bachot », je pense que c’est grâce à nous, grâce à celles de notre génération, à nos luttes obscures et constantes, que vous êtes devenues ce que vous êtes. Des édifices dans lesquels vous trônez, nous avons essuyé les plâtres. » (p.191)

Quelles ont été ces « luttes obscures » ? Des demandes à l’administration pour que le concours d’entrée à l’école normale d’instituteur soit la même pour les filles et pour les garçons ; que les concours d’agrégation soient les mêmes pour les filles et pour les garçons : « – laissez-nous passer les mêmes concours. – Ils sont beaucoup trop durs pour des femmes.(…) on ne trouvait pas trop « dur » d’imposer aux femmes, tout au long de leur carrière, un service plus lourd que celui des hommes pour un traitement sensiblement moindre » (p. 187). On voit là le double discours du gouvernement…
Aux demandes officielles s’ajoutaient des passe-droits ponctuels : « quand la fille d’un ministre ou de quelque personnage important avait envie de passer une agrégation « masculine », la porte s’entrouvait une année ou deux ».
L’argument du manque d’argent était avancé par le gouvernement, et c’est toujours le même : « tout ce que les femmes auront en plus, les hommes l’auront en moins ». C’est pour la même raison que le travail des femmes fut critiqué : il enlèverait du travail aux hommes et ferait baisser les salaires en augmentant la demande d’emploi.
Le rapprochement des associations masculines (Société des agrégés) est également retracé comme un pas vers une lutte plus efficace. Mais Jeanne Ancelet-Hustache relève aussi qu’un changement de mentalité a sans doute joué dans ces progrès, indépendamment des revendications portées par les femmes elles-mêmes, seules ou avec leurs confrères masculins.

L’accès des femmes aux concours n’aura pas pris tant de temps que cela : entre les premières demandes et le gain de cause, moins d’un siècle s’est écoulé.
Je pense qu’il est bon de s’en souvenir aujourd’hui.