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Interview – Sophie Bénard et les groupies

 Sophie Bénard est journaliste et autrice. Critique au Monde des livres, elle a suivi des études de philosophie et a signé un roman, Faire corps, paru aux Equateurs en 2024.  

Nous l’invitons aujourd’hui pour son essai paru aux éditions Pérégrines dans la collection « Genre »! », Splendeurs et misères des groupies.

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Qui sont ces (jeunes) femmes hurlantes qui se damneraient pour toucher leur idole ? Sont-elles vraiment celles que l’on croit ? La groupie s’accorde-t-elle au masculin ? Autant de pistes de réflexion et de recul critiques que propose Sophie Bénard dans son essai, qui conjugue Ed Sheeran et Platon. 

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Une interview à écouter sur Spotify !

Pour aller plus loin

Sophie Bénard, Faire corps, Paris, Les équateurs, 2024

Sophie Bénard, Splendeur et misères des groupies, Paris, Pérégrines, 2025

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Interview – Bernard Cabanier, le labyrinthe et Garcia Lorca

Bernard Cabanier est romancier ; il a fait paraître une trilogie aux éditions Ovadia, Passeurs de l’être, le Labyrinthe de l’être et des Lettres à l’être.

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Nous rencontrons cet auteur dont la vocation précoce a été nourrie par son expérience d’enseignement milieu carcéral, et à qui la lecture de Frederico Garcia Lorca a appris la voie de la transgression. 

Il nous parle notamment de La maison de Bernarda Alba, pièce de théâtre de Garcia Lorca dont les personnages sont exclusivement féminins.

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Interview – Aurore Evain sur Shakespeare et Mary Sidney

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Nous recevons aujourd’hui Aurore Evain, comédienne, metteuse en scène, autrice et chercheuse. Aurore Evain est directrice artistique de la compagnie théâtrale La Subversive ; membre de la SIEFAR (la société internationale des écrits de femmes de l’Ancien Régime), elle est spécialiste du matrimoine théâtral et a mis en scène plusieurs pièces écrites par des femmes comme Le Favori de Mme de Villedieu, La Folle enchère de Mme Ulrich ou encore Laodamie de Catherine Bernard.

Aurore Evain a dernièrement fait paraître Mary Sidney alias Shakespeare : L’oeuvre de Shakespeare a-t-elle été écrite par une femme ? Cet essai, qui se présente comme une véritable enquête, est paru aux éditions Talents Hauts en 2024. 

Pour aller plus loin

Aurore Evain, L’Apparition des actrices professionnelles en Europe, Paris, L’Harmattan, 2001

– avec Perry Gethner et Henriette Goldwyn (dir.), Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, Paris, Garnier Classiques, 2007, 5 vol

– (dir.), Dictionnaire des femmes de l’ancienne France (en ligne), « Arts du spectacle »

-, Mary Sidney alias Shakespeare : L’oeuvre de Shakespeare a-t-elle été écrite par une femme ?, Vincennes, Talents Hauts, “Alias”, 2024

-, En compagnie. Histoire d’autrice de l’époque latine à nos jours, suivie de Presqu’illes par Sarah Pèpe, éditions X, 2019

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Interview de Tonie Behar

Une invitée exceptionnelle

Nous recevons dans notre podcast Tonie Behar, romancière, coach en écriture et membre du collectif de romancières #TeamRomCom.

Tonie Behar est née à Istanbul, a un passeport italien, un diplôme américain, un mari breton et trois enfants du pays des merveilles… mais elle se sent surtout parisienne.

Et c’est à Paris qu’elle a ancré sa saga des Grands Boulevards parue aux éditions Charleston, 6 romans qui se déroulent au 19bis boulevard Montmartre mais pas que…

Nous suivons Tonie Behar depuis longtemps parce qu’elle écrit des romans qui parlent d’amour, de femmes et de culture féminine, des sujets qui nous tiennent à cœur.

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Dans notre interview, elle nous explique que les comédies romantiques sont « un reflet de la pensée féminine » et nous avoue qu’elle aime que tout ce qu’elle écrit soit vrai.

Un nouveau roman : Toutes nos promesses

Le dernier tome de cette saga des Grands Boulevards, Toutes nos promesses,  est sorti le 17 avril 2025 et il a attiré notre attention car il met en avant les femmes journalistes de la Belle Epoque comme Marguerite Durand ou Séverine.

https://creators.spotify.com/pod/show/quiapeurdufeminisme/episodes/Interview—Tonie-Behar–romancire-e339mc3

Pour aller plus loin:

https://www.toniebehar.com/

https://www.comedieromantique.com/

@toniebehar (Instagram)

Tonie Behar, romancière (Facebook)

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Interview – Laurence Joseph, Nos silences

Laurence Joseph, psychanalyste, est l’autrice de deux essais : La chute de l’intime paru chez Hermann en 2021 et Nos silences sorti chez Autrement en 2025. Nous lui avons posé trois questions sur l’intime, la libération de la parole et les grandes figures féminines qui incarnent ces thématiques.

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Vous présentez dans La chute de l’intime la figure de Mélusine comme emblématique de l’ambivalence de l’intimité : en quoi y a-t-il une spécificité de l’intimité féminine ? 

Pour répondre à cette question il faut peut-être d’abord reprendre la définition de l’intimité, qui ne me semble pas être en réalité le tréfonds de nous-même, ce que nous approcherions par des métaphores de profondeur, ou de plongée en soi. L’intime, c’est certainement la possibilité de se laisser transformer et changer par quelque chose qui advient en nous. Et c’est parce que cette chose est différente, qu’elle soit belle ou effrayante que nous souhaitons la soustraire au regard. L’intime c’est la mise en dialogue avec l’altérité, c’est pourquoi la fée Mélusine -une fée bâtisseuse- m’en a semblé la meilleure allégorie. Parce qu’elle porte sur son propre corps un élément qui la rend systématiquement étrangère à elle-même. La traduction de son nom signifie « Brouillard de la mer », elle ne se laisse pas voir. 

J’invite chacun à redécouvrir son histoire, pour rappel, sa mère lui a jeté un sort : elle ne pourra se marier que si chaque samedi elle peut s’isoler de son mari pour cacher la queue de serpent qui lui pousse ce jour-là. Mélusine représente finalement une conception classique du féminin : d’une immense beauté, aimante pour ses enfants, elle est aussi un monstre hybride, une créature effrayante à qui son mari Raymondin prêtera la faute de l’adultère. Si l’on est attentif à la légende, on comprend vite que Mélusine subit son intimité mais parvient tout autant à en faire quelque chose, mais là où ne l’attend pas. C’est en effet seulement la nuit que cette fée bâtit la cité, soustraite à tous les regards. Ce qui suppose que le fait de se soustraire, de prendre des temps de retrait est inséparable de la création. Ainsi, là où on attend toujours la question de l’intime et du féminin, c’est-à-dire dans la question anatomique, du sexe caché ou des règles on voit que cette intimité nécessaire à la femme est celle de son désir presque politique, l’empreinte qu’elle laisse dans la cité, c’est ici que son dialogue intérieur se joue finalement avec le plus de conséquences. 

L’autre leçon que nous donne Mélusine est celle portant sur l’effraction de l’intime. Raymondin en effet persuadé qu’elle le trompe et pour la suprendre force la porte de la pièce d’eau où Mélusine se cache. Effondrée par la trahison, Mélusine se jette par la fenêtre et erre. Cette figure pour moi est celle de la mélancolie après la rupture des liens, après la trahison. Elle marque la vulnérabilité des femmes, le risque d’être violées, le fait d’être violable et ainsi certainement la nécessité de respecter la pudeur d’une femme à chaque fois qu’elle le demande. 

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2)Pensez-vous que les femmes ont été particulièrement exposées à la mélancolie, en réaction à une perte de leur intimité, par leur interdiction de disposer, pour citer Woolf d’une chambre à soi

La mélancolie est définie par Freud comme la perte insoluble d’un objet qu’on ne sait pas clairement identifier (à la différence du deuil dont l’objet est lui clairement identifié). Mais ce qui est très juste dans votre question c’est que l’intimité parce qu’elle regroupe autant un regard sur le corps qu’une capacité à créer un monde par le langage peut, si elle est perdue, créer un mouvement mélancolique parce que la parole est plus facilement coupée aux femmes qu’aux hommes. Parce que leur parole est puissante, on considère qu’il faut s’en méfier. Virginia Woolf le démontre prodigieusement dans Une chambre à soi. Je suis également très sensible à l’œuvre de Sylvia Plath qui utilise la parole poétique pour exprimer la place fondamentale de la lutte pour accéder à l’écriture et à la publication pour une femme avec des enfants et à qui de nombreuses taches incombent. On sait au travers de son histoire, de sa fin tragique et des querelles éditoriales avec son mari combien, peu ou prou, cette question traverse le destin de toutes les femmes qui écrivent. 

De manière plus contemporaine la question du contrôle coercitif dont la reconnaissance législative est cruciale montre la résistance à laisser une femme occuper, comme elle l’entend, cette « chambre à soi. »

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3) Vous mettez en avant dans Nos silences l’importance de cette intimité que constitue le silence : comme dans le mythe de Procné, pensez-vous que le silence est parfois, et paradoxalement la seule arme des femmes pour se défendre ? Libérer la parole est-il toujours possible ou souhaitable ?

Je pense être sensible à cette question de ce que nous cachons, certainement aussi parce que mon métier me donne une place où je suis dépositaire d’une parole qui ne se dépose nulle part ailleurs. J’ai une attention à ce que nous ne disons pas, ou peu, tous ces silences qui ont une fonction de protection, définitive ou transitoire. Se taire parfois fonctionne comme un paravent, un tissu que l’on tend pour se cacher, parce que les choses sont interdites, parce que nous pensons que le regard des autres abimerait ce que nous cachons ou parce qu’il faut du temps parfois pour rendre les choses publiques. Je pense souvent à l’exemple d’une cicatrice après une opération, même bégnine, elle représente une trace de notre histoire, des inquiétudes ou même une volonté mais elle est d’abord une trace personnelle.

Les mots sont des enfants du silence, il faut un temps d’élaboration, d’introspection, pour dire quelque chose, avouer quelque chose. 

Je me méfie des obligations systématiques de transparence, des aveux soudains ou systématiques. Le silence est en cela, quand il est choisi une intimité avec soi, l’écoute d’un dialogue intérieur où le sujet se met au diapason de son histoire, de ses accidents ou de ses victoires. Les temps de silence ne sont pas à mes yeux des temps pauvres.

Le silence est-il parfois la seule arme des femmes pour se défendre ?

Peut-être quand elles sont victimes de violence et d’emprise, si elles sont seules ou isolées ( ce qui est généralement le cas). Mais comme le mouvement #meetoo l’a montré, les femmes très vite peuvent -dès lors qu’elles se retrouvent entre elles- créer des dispositifs de solidarité, d’appui commun, de partages des voix, qui leur permettent de prendre la parole sans crainte, avec puissance et efficacité. La sortie du silence se fait de préférence ensemble. C’est pour cela que les lieux d’écoute dédiés aux femmes sont d’une importance capitale comme la Maison des femmes créée par Ghada Hatem.

Pour aller plus loin

Laurence Joseph, La chute de l’intime, Paris, Hermann, 2021

Laurence Joseph, Nos silences, Paris, Autrement, 2025

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Interview – Dominique Ancelet-Netter et Sandrine Weil sur la mémoire de la déportation

Nous recevons aujourd’hui deux personnes que vous avez déjà entendues dans notre podcast, et c’est avec un grand plaisir que nous les recevons aujourd’hui en tant qu’autrices.

Notre première invitée est Dominique Ancelet-Netter, qui, je vous le rappelle,  a occupé la fonction de Maître de conférences en littérature à la faculté des lettres de l’Institut Catholique de Paris. Dominique est spécialiste du Moyen Âge mais aussi de Paul Bourget et elle vient de publier un roman aux éditions Spinelle, Les Plaques du souvenir. 

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Dominique Ancelet-Netter et Les Plaques du souvenir

Notre deuxième invitée est Sandrine Weil,  professeure de Lettres Modernes et cinéma, qui anime une émission sur la radio associative Radio Prévert et qui enseigne habituellement au lycée polyvalent Estournelles de Constant de La Flèche et à la Nouvelle Chance au Mans, un lycée qui lutte contre le décrochage scolaire. Sandrine a fait paraître ces dernières semaines un récit intitulé Il ne faudra plus raconter des histoires : Le livre de Jean, 1942-1945, un enfant dans les camps, aux éditions l’Harmattan dans la collection “Graveurs de mémoire”.

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Sandrine Weil et la photo de couverture d’Il ne faudra plus raconter des histoires

Leurs ouvrages présentent plusieurs points communs, notamment celui de traiter de la mémoire de la déportation, de la transmission du souvenir et de la conjuration du silence, par le biais de l’histoire familiale et de l’intime.

A écouter sur Qui a peur du féminisme ?

Pour aller plus loin

Dominique Ancelet-Netter, Les Plaques du souvenir, Spinelle, 2025

Sandrine Weil, Il ne faudra plus raconter des histoires : Le livre de Jean, 1942-1945, un enfant dans les camps, l’Harmattan, “Graveurs de mémoire”, 2025

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Interview – Lorena Media sur les femmes dans le tango (en espagnol)

Nous recevons aujourd’hui Lorena Medina, danseuse de tango, professeure de danse et directrice de l’école Piropo Tango. Lorena vit et enseigne en Argentine, et elle nous répond depuis Buenos Aires. Elle a monté un spectacle sur les premières femmes à avoir chorégraphié et dansé le tango intitulé Pioneras.

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Voici les questions que nous lui avons posées :

Qui es-tu, Lorena

  1. Tout d’abord quelques questions sur toi : comment as-tu découvert le tango et à quel moment as-tu su que c’était ta vocation ? 
  2. As-tu rencontré des difficultés en tant que femme à monter ton école de danse ? Parviens-tu à vivre de ta passion aujourd’hui ? 

Histoire des femmes dans le tango

  1. Nous connaissons assez mal le tango en France : peux-tu nous expliquer en quoi cette danse consiste, quelle est son histoire ? 
  2. Tu as créé un spectacle sur les pionnières du tango. Peux-tu nous en dire plus sur ces femmes. 
  3. Ton spectacle s’appelle Pioneras. Est-ce que cela veut dire qu’il y a un tango d’hommes et un tango de femmes ? Quelle serait la différence ? 

La reconnaissance deds femmes dans le tango aujourd’hui

  1. La place des femmes dans le tango a longtemps été minoré. Qu’en est-il aujourd’hui ? Observes-tu une évolution ? 
  2. Pour finir sur des conseils d’écoute et de visionnage, quels grands et quelles grandes artistes de tango conseilles-tu à nos auditeurs et auditrices d’écouter ou d’aller voir sur scène ?
https://spotifycreators-web.app.link/e/892hROo3EQb

Pour les sous-titres ne français de cette interview, rendez-vous sur Youtube !

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Interview – Sophie Lebarbier, Les liens mortifères

Sophie Lebarbier est scénariste, productrice et autrice de polar. Après avoir créé, écrit et produit la série Profilage (TF1), elle a publié plusieurs polars dont Les liens mortifères en 2022. Une flic y enquête sur la disparition d’une actrice dont la soeur, psy, s’est éloignée avec les années. La sororité peut-elle nous sauver de la noirceur du monde ?

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Sophie Lebarbier


1. Dans ton roman, tu as choisi de mettre des soeurs au centre de l’intrigue, et l’une est victime. Y a-t-il quelque chose de romanesque dans le lien qui unit des soeurs qui t’a particulièrement inspiré ?

Effectivement, je trouve la figure des sœurs très inspirante. Je l’ai exploitée dans le roman Les liens mortifères, et aussi dans la série Profilage pendant plusieurs saisons, avec les jumelles Adèle et Camille. 

J’ai des frères mais pas de sœur. Peut-être que je fantasme un peu ce lien, sa force et son ambivalence. 

La fratrie d’une manière générale me semble une excellente matière romanesque : vous pouvez tenter de vous montrer sous votre meilleur jour à un amant, une maîtresse, à un ami même. Mais un frère ou une sœur a grandi avec vous, il connaît tous vos travers, vos petites et vos grandes faiblesses. 

Il ou elle est aussi dépositaire de la même histoire familiale que vous, c’est un trésor commun que vous partagez. Avec des interprétations différentes de cette histoire en fonction de votre place dans la fratrie, ce qui peut rendre la confrontation des points de vue riche… ou agitée. 

La relation entre deux sœurs (ou entre deux frères) me paraît plus forte encore parce que s’y ajoute inévitablement une notion de comparaison/compétition. 

Quels que soient les sentiments que vous inspirent un frère ou une sœur, ils ont eu toute l’enfance pour se sédimenter. A l’âge adulte, ils forment donc une couche épaisse, compacte et complexe. C’est une matière très riche pour nourrir des intrigues romanesques.

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2. La personne qui mène l’enquête est une femme : penses-tu que le genre du personnage principal influe sur la narration dans le cas du roman policier ? Hommes et femmes mènent-ils l’enquête de la même façon ? 

Tes questions me titillent. Instinctivement, j’ai envie de répondre que le genre du personnage principal n’influe en rien sur la narration, ou alors à la marge. Que ce qui définit un enquêteur (policier ou non) c’est avant tout le fait qu’il enquête. 

Sauf que…

De fait, dans mes romans comme dans les séries que j’ai pu créer, les personnages principaux sont toujours des femmes. C’est plus naturel pour moi de me glisser dans un point de vue féminin. Mes héroïnes enquêteraient-elles différemment si elles étaient des hommes ? Difficile de répondre sans avoir essayé.

Beaucoup de romanciers parviennent faire reposer leurs intrigues sur les épaules d’un personnage d’un genre différent du leur. Je pense par exemple à Olivier Norek. On connaît sa série sur le capitaine Coste, un homme. Avec Surface, il met en scène Noémie Chastain qui n’est pas moins flic que Coste au prétexte qu’elle serait une femme.. 

Pour autant, il n’y a pas de raison que les romanciers échappent aux biais de genre dont nous sommes tous victimes. Aujourd’hui on dispose des outils théoriques pour en être conscients. C’est déjà quelque chose.


3. « Toi,  hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère » : es-tu d’accord avec ce vers de Baudelaire qui fait du lectorat une sorte de famille pour l’auteur ou l’autrice  ?

Oui, trois fois oui. Je fais partie des auteurs qui assument d’écrire pour un lectorat (ou des scénaristes qui écrivent pour un public). Je l’assume et je le revendique. Un de mes grands plaisirs avec le roman consiste même à adresser des clins d’œil au lecteur (quand le narrateur l’interpelle directement par exemple). 

Mon travail, à travers les histoires que j’invente, consiste à faire naître des émotions chez le lecteur. Je présuppose donc chez le lecteur les mêmes emballements, aspirations, faiblesses et renoncements que chez moi. Ce sont des leviers que j’actionne sur la base de notre commune humanité.

Après, c’est comme en politique : ce n’est pas parce qu’on cherche à parler au plus grand nombre qu’on doit être démagogue et flatter les bas instincts ! 

Les liens mortifères est à découvrir au Livre de poche !

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Interview – Les femmes dans la tech avec Maelys Beulque

Nous recevons aujourd’hui Maëlys Beulque, Tech Entrepreneure, formatrice digitale et experte SEO. Elle a récemment été reçu docteure à l’International Management School de Genève.

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Maëlys travaille donc dans ce qu’on appelle la “tech” plus de dix ans. C’est une experte reconnue dans son métier et c’est pour parler de la place des femmes dans la tech que nous l’invitons aujourd’hui.  

Selon l’étude Gender Scan, en 2022, seulement 17 % des effectifs de la tech française étaient des femmes, contre 22 % en Europe… Le pays des droits de l’Homme serait-il à la traîne quand on parle égalité hommes/femmes ?

Pour en savoir plus :

Maelys Beulque et Virginie Faivetn Stratégie E-Marketing, éditions Micro Application, 2022.

Et suivez son profil LK : https://www.linkedin.com/in/maelys-be…

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Interview – Camille Emmanuelle, Cucul

Camille Emmanuelle est journaliste, autrice et scénariste. Nous l’avions interviewée en 2022 au sujet de son expérience d’écriture de romance et de réflexion féministe sur l’écriture de la sexualité. Elle publie cette année un roman, Cucul, dans la nouvelle collection « Verso » des éditions du Seuil. Dans cette fiction, une autrice de romance, Marie, tue son personnage principal, male alpha d’une dark romance, pour le voir resurgir le lendemain en chair et en os dans son salon…

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Camille Emmanuelle par Marie Rouge

Il existe un lien entre toi et ton personnage principal : comme Marie tu as toi aussi écrit de la romance. Mais est-ce que tu as eu aussi, comme Marie, à écrire de la dark romance ?

J’ai en effet écrit pendant un an sous pseudo de la New Romance ; c’était il y a 11 ans, la Dark Romance n’existait pas, en tout cas ce n’était pas un phénomène comme ça l’est aujourd’hui. On ne m’a pas demandé, comme mon héroïne Marie, d’écrire la Dark. Pourtant, quand j’écrivais ces trucs-là, je me disais déjà que c’était réac comme récit, à la fois sur le couple, sur l’amour, et aussi sur le corps… Je me disais : « ça peut pas aller plus loin que ça, les gens vont se lasser, les lectrices vont se lasser ! » Et Il y a trois ans, des amis libraires m’ont parlé de la dark romance. En fait, ils m’ont alerté sur deux choses, sur le genre de la Dark Romance, qui est le petit frère psychopathe de la New Romance, et aussi sur le lectorat, qui avait vraiment rajeuni. Moi, il y a 11 ans, quand j’ai écrit de la New Romance, la maison d’édition qui m’employait me disait que la cible c’était les 18-25 ans. Mais là, le lectorat s’est rajeuni. Il y a beaucoup de collégiennes qui achètent de la dark à partir de 11 ans alors que ce n’est vraiment pas fait pour elles. Elles n’ont pas forcément le recul nécessaire pour comprendre ces récits qui sont certes des histoires d’amour avec des scènes de sexe, mais aussi autre chose. Ces histoires véhiculent une glamourisation de la violence masculine. Dans la new romance, celui qui est sexy, c’est l’homme mystérieux, dominant, distant… Mais là, en plus, il est dangereux, violent. Dans Captive, le personnage féminin n’arrête pas de dire que le personnage masculin est un psychopathe, par exemple. Elle découvre la faille intérieure de l’homme et elle comprend que s’il est si méchant, ce n’est pas de sa faute, et qu’elle seule réussit à voir sa faille.  Bon, dans la vraie vie, quand on tombe sur ce genre de gars, ça ne finit pas bien…

C’est le schéma des violences et de l’emprise, qui reprend le profil psychologique de la sauveuse et de l’homme qui se victimise alors qu’en fait c’est lui qui est l’auteur des violences…

Exactement. Un autre schéma qu’utilisent les hommes violents dans la vraie vie et qui est vu comme quelque chose de chouette dans ces romans, c’est que c’est un homme protecteur. C’est-à-dire que, ok, il est violent, ok, il a séquestré, mais les hommes dans le monde extérieur sont encore plus dangereux. Il va donc protéger la jeune fille d’un monde encore plus dangereux que lui ne peut l’être. Et ça, c’est un discours qu’on peut entendre dans la bouche des hommes violents qui disent « je les connais les hommes, c’est vraiment tous des salauds : moi je vais te protéger ». Quand un homme te dit ça, c’est un red flag, ça veut dire qu’il va tenter de t’enfermer, de contrôler la façon dont tu t’habilles, etc.

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Ton personnage Marie se demande à un moment si elle ne prend pas goût au fait d’être protégée. Tu poses à travers ce passage la question de ce à quoi on peut adhérer, malgré nous, dans ce fantasme véhiculé par Dark Romance…

Oui, c’est ce qui fait que j’ai écrit un roman (et une comédie d’ailleurs) plus qu’un essai : je voulais aborder cette question-là, et plus généralement la question de nos fantasmes et de nos ambivalences. Toute une génération, dont je fais partie, a été biberonnée à la figure du bad boy, et de l’homme protecteur. C’est une figure très ancienne, qu’on retrouve aussi dans la littérature classique du XIXe siècle : la figure du sauveur, du prince charmant. L’éducation féministe s’y oppose et nous pousse à ne pas aller vers ce type d’hommes, puisque ce n’est pas avec eux qu’on va vivre une histoire amoureuse égalitaire. On est dans un environnement un peu schizophrène ! Les collégiennes et les lycéennes d’aujourd’hui savent ce que c’est le bon consentement elles sont plus éduquées que nous là-dessus. Pour autant, elles lisent beaucoup, beaucoup de ce type de récits. Je m’interroge sur cette ambivalence et plutôt que d’y répondre d’un point de vue moral, j’y ai répondu à travers la voix de plusieurs personnages. Il y a des personnages qui me disent : «  ça va, c’est que des fantasmes, on a le droit de lire ce qu’on veut, etc. Et puis, les jeunes filles, elles ne sont pas connes, elles savent très bien que c’est de la fiction ». Et d’autres qui vont répondre: « Mais elles sont jeunes. Et ce qu’on lit a un impact sur notre façon de voir le monde. »

Cette ambivalence, on la retrouve dans tes deux personnages masculins de José et de James, qui représentent deux modèles de virilité. Marie a avec José un rapport plus égalitaire, avec davantage de complicité, de connivence et de compréhension…

Et d’humour aussi, parce que James n’est pas drôle du tout !

C’est vrai ça, ça ne m’a pas frappée tout de suite ! Ces deux personnages proposent donc deux manières différentes de réfléchir à la masculinité. Est-ce que tu l’as conçu comme ça ?

James est en effet un archétype et un stéréotype, mais bon, ce n’est pas de sa faute, il est né comme ça ! C’est un personnage archétypal qui a été commandé par la maison d’édition et que Marie a créé. Et José, lui, je dirais que c’est plus un jeune homme d’aujourd’hui, qui s’est construit dans sa séduction avec autre chose que ses atouts physiques et qui a développé de l’humour, la culture, l’intelligence, du dialogue avec les femmes… Il sait qu’il ne sera jamais une mâle alpha dominant. Et il ne voit pas les femmes comme des proies ! Alors que James correspond à l’idéal de certains mascus, c’est-à-dire un mâle alpha, avec beaucoup d’argent, un physique d’Apollon, des tablettes de chocolat. Je trouvais ça important d’avoir un contrepoint à ce personnage avec José, sachant que ce n’est pas un personnage qui a été facile à écrire. Dans la première version du roman, il n’était pas assez séduisant. Les premiers retours de lecture disaient : « On préfère quand même, James ! ». James, on voit tout de suite qui il est, parce que c’est un archétype, alors que José, c’est un personnage parmi d’autres, un être humain parmi d’autres. J’ai  donc dû réécrire le personnage José pour dire : « non, mais il est vraiment chouette ! ». Cela crée un vrai dilemme chez mon héroïne au moment de choisir entre les deux personnages masculins, comme dans une bonne comédie romantique.

À propos des com rom, on lit dans Cucul des scènes qu’on aimerait voir à l’écran, comme la scène de drag-queens dans la boîte à Belleville ou celle du bookclub féministe pendant un match de foot… D’ailleurs tu écris également des scénarios : est-ce que cette écriture scénaristique a influencé ton travail ?

Je pense que le fait de travailler sur des scénarios de séries depuis 4-5 ans a en effet influencé mon écriture, notamment dans la construction narrative. Le précepte numéro un, quand on écrit pour l’écran, c’est « show don’t tell » alors que dans le roman, on peut dire « tell don’t show ». C’est d’ailleurs ce que j’aime avec le roman : il y a une liberté dans l’écriture romanesque qu’il n’y a pas dans l’écriture sérielle ou visuelle en général. On peut faire ce qu’on veut avec ses personnages, sans contraintes, de prod notamment. Et les droits ont bien été achetés par une boîte de prod pour faire un long métrage !

Une question sur la fin du roman : Marie se donne comme objectif d’écrire sous son nom et d’écrire de la fiction qui ne soit pas la romance, : est-ce que ce personnage, ce n’est pas un peu toi aussi ? Y a-t-il eu un effet de légitimation de ton écriture de fiction à travers ce livre ?

Entre mes romances et Cucul, j’ai écrit Le goût du baiser, un roman Young Adult, et pour le coup, c’était ça : me prouver que je pouvais écrire un roman qui ne soit pas de la New romance. J’avais un peu peur après la New romance d’avoir gâché mon écriture, qu’elle ait été transformée par ce style. En fait, j’ai eu besoin de passer par le roman ado avant de pouvoir écrire un roman tout court. Parce que le roman ado, c’est une écriture particulière, un public particulier. J’ai d’abord fait mes armes dans le petit bain avant de plonger dans le grand bassin ! Il y a quelques années, j’avais peur du roman à proprement parler à cause d’un syndrome de l’imposteur… C’était comme si, quand je me mettais à écrire, tous les fantômes d’auteurs que j’adorais étaient là et me disaient : « Tu veux écrire un roman ? vas-y, on te regarde ! ». Je suis donc passée par l’étape du roman Young Adult pour pouvoir me dire que j’écrivais un roman, en sachant que le roman adulte que j’ai écrit est une comédie, ce qui est aussi une littérature de genre. Le syndrome de l’imposteur est tellement fort que je dois passer par le genre. Mais j’aime beaucoup la littérature de genre aussi, comme la littérature érotique : j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui y arrivent. Ce n’est pas parce que c’est du genre que c’est facile.

Tu as aussi écrit Ricochets, un essai nourri de ta propre expérience dans lequel il y a un peu de récit de soi…

Oui, tout à fait. Dans Ricochets il y a à la fois une enquête journalistique et un récit personnel, un mélange des deux. Je n’ai pas relu Ricochets depuis qu’il est paru et même si le sujet est très dur évidemment (les attentats de 2015, NB), je dis aux gens qui m’en parlent : « il y a quand même des blagues dedans ! ». Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils retiennent. À l’inverse, quand j’ai commencé Cucul, je ne me suis pas dit « Allez, j’écris une comédie », juste : « je vais écrire un truc qui, moi, va me faire rire ». Cette forme de légèreté est venue avec l’histoire.

Cucul est à explorer aussi sur le site de Camille Emmanuelle