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Podcast – Don Juan, Heathcliff et Benjamin Mendy

Don Juan, Heathcliff et Benjamin Mendy : Quelle analogie littéraire pour défendre le footballeur ?

Du 10 août au 17 novembre 2022 s’est tenu le procès de Benjamin Mendy, accusé de sept viols, d’une tentative de viol et d’une agression sexuelle.

En lisant les comptes-rendus du procès dans la presse, des figures littéraires me sont apparues. A qui le footballeur pourrait-il s’identifier pour se défendre?

Séducteur?

Au début du procès, il est décrit comme un don juan. Il se serait vanté d’avoir couché avec 10 000 femmes (The Guardian, 18 août). Il ne confirmera pas ce chiffre mais ne cachera pas rechercher de nombreuses partenaires. Il ne veut pas de relations sérieuses mais seulement des coups, parfois plusieurs la même soirée. Pourrait-on le comparer au célèbre séducteur de Séville qui fait l’éloge de l’inconstance? « Toutes les belles ont droit de nous charmer, et l’avantage d’être rencontrée la première ne doit point dérober aux autres les justes prétentions qu’elles ont toutes sur nos cœurs »(Dom Juan, Molière, acte I scène 2). Ce serait un choix de défense maladroit : de Tirso de Molina à Erik-Emmanuel Schmitt en passant par Molière et Dumas, don Juan s’appuie tantôt sur le mensonge tantôt sur la force pour violer.

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Outsider?

« Je sais que je ne suis pas Brad Pitt. Si elles s’approchaient de moi, ce n’était pas pour mon look… Mais parce que j’étais footballeur. » (L’Équipe, 8/11/2022). Ces propos rapportés du défenseur mancunien me font songer à Heathcliff, le héros d’Emily Brontë qui affirmait qu’il ne serait jamais beau sans les yeux bleus et les cheveux blonds d’Edgar Linton (Hurlevent, Folio, p. 99). Moqué et rejeté pour son apparence physique plus encore que pour ses origines inconnues, Heathcliff doit devenir riche pour plaire. Là encore mauvais choix de défense : Heathcliff retourne la violence reçue, maltraite sa femme et vampirise son entourage.

Tout au long du procès, la figure qui s’impose le plus est celle du dandy. Promis à un brillant avenir, il se perd, étourdi par les promesses de gloire et de fortune : fêtes arrosées jusqu’au petit matin, sexe non-protégé, non-respect du confinement (L’Équipe, 22/09/2022, 8/11/2022). Benjamin Mendy dandy du XXIème? Stendhal n’avait-il pas trouvé dans un fait divers le modèle de Julien Sorel? Oui, mais Sorel est un féminicide… Encore une fois mauvaise défense.

Choisir une héroïne

La littérature regorgeant de héros masculins toxiques, Mendy a donc tout intérêt à puiser du côté des héroïnes pour soutenir son innocence

Je suggérerais Albertine qui a été accusée sans preuve et emprisonnée par le narrateur de La Prisonnière de Proust, et qui, surtout demeure une énigme. On sait peu de choses d’elle, tout comme on sait peu de choses de Benjamin Mendy. Tout ce que l’on sait d’eux, c’est ce que les autres en disent.

Depuis le début de l’affaire, le footballeur se tait et laisse les autres parler de lui. La structure du procès renforce son silence en le mettant à la barre en dernier. Lorsqu’enfin il parle, c’est en anglais et d’une voix à peine audible (L’Équipe, 8/11/2022). Ses mots semblent répétés à l’avance et sont, de plus, tronqués par les compte-rendus de la presse. Telle Albertine ou Manon Lescaut, Benjamin Mendy est le héros silencié de l’histoire qui porte son nom.

Au moins il a son nom.

Les femmes qui l’accusent n’ont ni renommée ni même un prénoms. Elles sont désignées par un numéro. En dehors du procès, Benjamin Mendy est champion du monde, chevalier de la légion d’honneur, ex défenseur le plus cher de l’histoire… Et les femmes en face sont 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7. Leur anonymat est protégé bien sûr mais on se demande comment elles peuvent écrire une histoire qui porte le nom de celui qu’elles accusent ? Qui se souvient d’Elvire dans Dom Juan ou de Cordélia dans Le journal du séducteur ?