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[bio] Anne Brontë

Anne Brontë naît en 1820 à Thornton en Angleterre ; très peu de temps après sa naissance sa famille déménage à Haworth où son père est nommé pasteur.

La plus jeune de la fratrie. Anne est la dernière-née du révérend Brontë et de son épouse Maria, qui meurt en 1821. Elle n’a donc aucun souvenir de sa mère et est particulièrement proche de sa tante Elizabeth Branwell venue vivre avec les Brontë après le décès de sa sœur. Les quatre enfants survivants, Charlotte, Branwell, Emily et Anne grandissent ensemble dans le presbytère entre les sermons méthodistes de leur tante, les récits fantastiques de leur servante, et les livres de leur père. Une grande émulation existe au sein de la fratrie : ensemble, ils lisent les journaux, la Bible, Homère, Shakespeare, Milton, Byron ou Scott, inventent et écrivent des histoires d’aventures. Emily et Anne racontent les chroniques de Gondal, tandis que Charlotte et Branwell rédigent celles d’Angria. C’est sur Branwell, le fils unique, que reposent tous les espoirs de la famille, en particulier ceux du révérend. Branwell pourtant échouera dans toutes ses entreprises artistiques avant de sombrer peu à peu dans la débauche et la dépendance. Anne est particulièrement marquée par la déchéance de son frère et utilise cette épreuve pour créer le personnage d’Arthur Huntington dans son roman The Tenant of Wildfell Hall (La recluse de Wildfell Hall) publié en 1848.

Indépendance. Anne étudie de 1835 à 1837 à Roe Head, école tenue par Miss Wholer où sa sœur Charlotte enseigne. En 1839, désireuse de ne pas dépendre de son père, elle trouve un poste auprès de la famille Inghams à Blake halls. Elle travaillera ensuite auprès des Robinsons de Thorpe Green Hall, entre 1840 à 1845. Son frère Branwell occupera à partir de 1843 la fonction de tuteur auprès du fils de la famille. Malheureusement il s’éprend de la maîtresse de maison et doit quitter son poste auréolé d’un parfum de scandale. Anne démissionne peu après et retourne à Haworth.

Une carrière littéraire interrompue. Poussée par Charlotte qui a toujours nourri une ambition artistique, Anne, de même qu’Emily, utilise l’héritage de leur tante pour publier à compte d’auteur. Les trois sœurs font donc paraître un recueil en 1846 sous les pseudonymes de Currer, Ellys et Acton Bell, chacune prenant ainsi une identité masculine et ne conservant que ses initiales. Anne/Acton contribue à 21 poèmes du recueil. L’année suivante son roman Agnes Grey est édité, mais passe inaperçu à côté des Hauts de Hurlevent et surtout de Jane Eyre. Anne rédige cependant un second roman mais est diagnostiquée tuberculeuse en janvier 1849. Le mal vient d’emporter sa sœur Emily. Elle décide d’un voyage à la mer avec sa sœur et une amie pour se soigner ; elle meurt en mai 1849 à Scarborough où elle est enterrée.

Agnès Grey

Rédaction et sujet. Agnès Grey paraît en 1847 sous le pseudonyme d’Acton Bell. Le roman raconte l’initiation de l’héroïne éponyme qui, désireuse de ne pas demeurer à la charge de sa famille ruinée par une spéculation, trouve un emploi de gouvernante auprès des Bloomfield, puis des Murray. Elle découvre ainsi la vie des gens fortunés : les incohérences en matière d’éducation, l’hypocrisie, la vanité des prétentions…

Réception et féminisme. Le roman est d’abord passé inaperçu face au roman de Charlotte Jane Eyre paru la même année. Il a en effet pâti de la comparaison avec les romans de ses sœurs parus la même année, ou a été réduit à un simple récit autobiographique. Pourtant, si Anne Brontë utilise son expérience en tant que gouvernante, on ne peut pas parler d’autobiographie.
Avec le temps la critique va distinguer ce texte de la série de romans de gouvernantes parues à la même époque parce qu’il possède des thématiques originales, notamment une critique de la société victorienne et de son culte de la vie domestique. La technique narrative est également remarquée. En 1924 Georges Moore rend hommage à Agnes Grey: « The one story in English literature in which style, characters and subject are in perfect keeping ».
La critique féministe retient essentiellement le combat féminin pour acquérir son indépendance et une reconnaissance dans la société, ainsi que la critique sociale. Anne Brontë n’a cependant ni revendications ni projet féministe.

Bibliographie sélective

Agnes Grey, The Modern Library, 2003.
The Tenant of Wildfell Hall, Penguins Books GB, 2007.
Elizabeth Langland, Anne Brontë. The Other One, Barnes and Noble books.
Edward Chitham, A life of Anne Brontë, Blackwell Publishing, 1993.

Filmographie

Les sœurs Brontë, André Téchiné, 1979.

Pour aller plus loin

http://www.online-literature.com/brontea/
http://www.kirjasto.sci.fi/abronte.htm
http://www.enotes.com/nineteenth-century-criticism/grey-agnes

Ecrit par Daisy (21/05/09).

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[club] Balzac, Les Chouans – Destinée incomplète des femmes

[photopress:chouans03.jpg,thumb,pp_image]Je pense que notre Bookclub se doit de relever ce passage concernant la condition féminine :

« Si je viens à penser que je suis seule, dominée par des conventions sociales qui me rendent nécessairement artificieuse, j’envie les privilèges de l’homme. Mais, si je songe à tous les moyens que la nature nous a donnés pour vous envelopper, vous autres, pour vous enlacer dans les filets invisibles d’une puissance à laquelle aucun de vous ne peut résister, alors mon rôle ici-bas me sourit; puis, tout à coup, il me semble petit, et je sens que je mépriserais un homme, s’il était la dupe de séductions vulgaires. Enfin tantôt j’aperçois notre joug, et il me plaît, puis il me semble horrible et je m’y refuse ; tantôt je sens en moi ce désir de dévouement qui rend la femme si noblement belle, puis j’éprouve un désir de domination qui me dévore. Peut-être, est-ce le combat naturel du bon et du mauvais principe qui fait vivre toute créature ici-bas. Ange ou démon, vous l’avez dit. Ah! ce n’est pas d’aujourd’hui que je reconnais ma double nature. Mais, nous autres femmes, nous comprenons encore mieux que vous notre insuffisance. N’avons-nous pas un instinct qui nous fait pressentir en toute chose une perfection à laquelle il est sans doute impossible d’atteindre. Mais, ajouta-t-elle en regardant le ciel et jetant un soupir, ce qui nous grandit à vos yeux…
– C’est?… dit-il.
– Hé bien, répondit-elle, c’est que nous luttons toutes, plus ou moins, contre une destinée incomplète. »

Il y a à mon avis plusieurs façons de comprendre cette « destinée incomplète »
Incomplet car elle n’est pas un homme, incomplet car c’est le destin de l’être humain, incomplet parce que la société interdit aux femmes de s’accomplir. C’est en quelque sorte la problématique que nous soulevons depuis plusieurs années.

J’ajoute qu’au début du dialogue Marie soulève toutes les remarques que j’ai faite sur la figure de l’espionne : supèrieure car pleines de charmes cachés, mais méprisante et vile…

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[club] Balzac, Les Chouans – La révolutionnaire en Mata-Hari

[photopress:sans_culotte.jpg,thumb,pp_image]De quelle manière une femme peut-elle, selon le Balzac des Chouans, participer à une révolution ? « Les femmes font rarement la guerre, mais vous pourrez, quelque vieux que vous soyez, apprendre à mon école de bons stratagèmes » : voilà ce que déclare Marie à Corentin lorsqu’elle décide de livrer l’homme qu’elle aime mais dont elle veut se venger. Engagée dès le départ par les Républicains pour séduire et livrer Le Gars, Marie rejoint la figure de la combattante cristallisée par Mata-Hari : c’est avec sa beauté et son pouvoir de séduction qu’elle lutte. Le ressort de ce combat est l’ascendant psychologique et affectif obtenu via l’éveil et la frustration du désir de l’autre. La trahison finale n’est pas un moyen mais une fin, et doit être lue comme la victoire finale d’une guerre dont le perdant n’aura même pas compris qu’elle était engagée. La qualité principalement requise est donc la capacité à se dissimuler (d’où : un certain talent pour le mensonge et la comédie), l’assurance, l’aptitude à manipuler (ce qui implique une certaine finesse psychologique) et l’absence d’empathie pour l’autre.  Tout cela dresse un portrait de la femme révolutionnaire en soldat rusé, stratège, et en combattant solitaire (il s’agit d’un duel : un contre un). Si ces qualités ne sont pas physiques et ne s’inscrivent pas dans le déroulement d’un combat « normal », elles n’en restent pas moins des ressources dont toutes les guerres ont usé.

Peut-être serons-nous amenées à retrouver cette figure de la révolutionnaire en Mata-Hari ? …

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[club] Balzac, Les Chouans – Marie et Olympe

[photopress:Fran__ois_Boucher_019.jpg,thumb,pp_image]J’ai cru relever, dans la biographie de Marie de Verneuil, quelques similitudes avec celle d’Olympe de Gouges : toutes les deux sont filles naturelles et s’installent à Paris où elle est initié à l’esprit des salons et/ou des Lumières. Elles sont également dans le parti des Républicains et soumises au joug des protections masculines. Cela ne fait pas de Marie de Verneuil une Olympe de Gouges de fiction mais dessinent le portrait des femmes révolutionnaires : le premier élément en est l’indépendance due à une absence de rattachement à un milieu social ou familial déterminée. Cette indépendance,  s’accompagne d’une liberté d’esprit, renforcée par la fréquentation des salon, qui se trouve contrariée par la nécessité d’être sous la protection financière et morale d’un homme. Les revendications de liberté et l’envie de mettre à bas l’ordre social en place peuvent alors naître. – Cela ne fait pas de Marie une féministe : mais, sous une autre plume que celle de Balzac, le personnage tel qu’il était défini aurait pu le devenir !

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[club] Balzac, Les Chouans – Courage féminin et circonstances

[photopress:marianne_europeenne.jpg,thumb,pp_image] »Ce n’était pas un des moindres phénomènes de l’époque que cette jeune dame noble jetée par de violentes passions dans la lutte des monarchies contre l’esprit du siècle, et poussée par la vivacité de ses sentiments à des actions dont pour ainsi dire elle n’était pas complice ; semblable en cela à tant d’autres qui furent entraînées par une exaltation souvent fertile en grandes choses. Comme elle, beaucoup de femmes jouèrent des rôles ou héroïques ou blâmables dans cette tourmente » (Gallimard, « Folio », p. 79).

Dans ce passage, Balzac décrit Melle de Verneuil comme « poussée » à l’héroïsme comme malgré elle. Ce qui évoque le mot de Hegel : « Rien de grand ne se fait sans passion » – à ceci près qu’ici, Balzac semble réserver cette particularité de l’action héroïque, mue seulement par l’exaltation, aux femmes. Le courage féminin aurait-il, selon lui, cette spécificité de ne pouvoir être réfléchi et d’être ainsi l’antithèse du sang-froid ? L’attitude qu’adoptera Melle de Verneuil à la fin du roman conforte dans cette lecture. Ce qui est raconté ici, c’est la folie d’une âme romantique et amoureuse, non pas un véritable courage guerrier ou révolutionnaire.- Si Melle de Verneuil a croisé assez longuement la route de Danton, c’est là encore, à l’en croire, malgré elle, parce que les choses se sont passées ainsi, sans qu’elle en ait rien voulu.

Ainsi, selon Balzac, les femmes ne pourraient-elles être révolutionnaires que malgré elles ?

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[club] Balzac, Les Chouans- Révolution, passions, tragédie

[photopress:chouans.gif,thumb,pp_image]La Révolution est en arrière-plan. Elle est sur sa fin (après le 18 Brumaire, la France entre dans une autre ère, l’échec des Vendéens et des Chouans est une évidence depuis l’échec de Charrette, Montauran dans le roman ne parvient d’ailleurs pas à unir les chefs).

En outre, la Révolution est meurtrière (il y a des massacres dans le roman), violente. J’ai compté rapidement les mots « violent » et « violence » apparaissent 30 fois dans le roman (l’adjectif 14 fois et le nom 16 fois) la plus part du temps associé aux sentiments, aux désirs ou à la passion.

C’est en effet la passion qui intéresse Balzac, bien plus que la cause et c’est elle qui occupe le premier plan et non pas les batailles ou les débats politiques (puisque sur ce point tout est déjà joué). J’ai également rapidement compté 63 occurrences du mot « passion » dans le roman. C’est elle qui dirige l’action, c’est elle qui explique la violence de la Révolution

La passion dirige les trois principaux personnages (Marie, Montauran, Mme du Gua). C’est par amour, par vengeance ou par jalousie qu’ils s’agissent ainsi et non pas dans l’intérêt de la cause. Ils n’usent pas de raison ou de stratégie : ils se mettent en danger, voire se jettent dans la gueule du loup… Corentin, lui, calcule et n’est pas guidé par la passion. Ainsi Marie lui dit : « Vous avez le coeur sec, Corentin. Vous pouvez établir de savantes combinaisons sur les événements de la vie humaine, et non sur ceux d’une passion. Voilà peut-être d’où vient la constante répugnance que vous m’inspirez. »
La note de la page 193 attire notre attention sur ce rôle de la passion et explique que c’est la volonté de Balzac que d’en faire le maître de ses personnages. La passion est donc centrale dans le roman .

Autre élément central  la fatalité. L’amour de Marie et de Montauran est condamné dès le départ, de même que la révolte des Chouans (on l’a dit quand le roman commence la Révolution est finie). Le ressors du récit est l’amour impossible : à chaque fois qu’ils se rencontrent, l’un a l’impression que l’autre se joue de  lui.  C’est seulement dans la mort qu’ils sont réunis et là aussi que s’arrête le récit.
Passion et Fatalité sont les deux éléments qui font du roman une tragédie. Dès le début d’ailleurs  Marie se pose en héroïne de tragédie (p.88).

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[club] Olympe de Gouges – Devenir de sa pensée

[photopress:gouges.jpg,thumb,pp_image]Sophie Mousset explique qu’Olympe (p.122-23) a failli être oubliée parce que sa pensée ne convenait pas au siècle suivant prônant les valeurs bourgeoises de la famille et de la maternité. En effet ses écrits sur le mariage ne correspondent pas à « un XIXème rétrograde » prônant le bonheur conjugal. Olympe ne cadre pas avec l’image des femmes victoriennes que nous avons vus car elle ne conçoit pas l’inégalité même dans le cadre de l’amour…
Il semble donc que le XIXème ait ralenti la libération des femmes… Je trouve que cette hypothèse nous permet de jeter un nouveau regard sur le travail accompli par notre bookclub…

De plus Sophie Mousset termine son ouvrage par une invitation à reconnaître le travail d’Olympe. Et bien voilà, notre bookclub l’a fait !

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[club] Olympe de Gouges – Critique du mariage

[photopress:MOdG__Mettais_03_11_1793__.jpeg,thumb,pp_image]p.24 : « Le mariage est le tombeau de la confiance et de l’amour ». On retrouve un thème présent dans notre bookclub depuis le début : le mariage (. Il est dénoncé comme une institution responsable de l’aliénation des femmes, il est dénoncé car il est inégalitaire. Olympe de Gouge a parfaitement conscience qu’il fragilise les femmes ne se contente pas de le dénoncer, elle propose des solutions pour le réformer et corriger l’inégalité Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne p.25).
Je m’arrête un instant sur cette question du mariage. Qu’est-ce que les autres auteurs proposaient face à ce problème ?
Le mariage d’amour (Austen, Brontë, Alcott, Eliott) avec le compromis idyllique (et assez hypocrite avions-nous vus) des romans victoriens.
La fuite (Browning, Woolf, Beauvoir) car la femme ne peut plus être l’égale de l’homme si elle est mère et épouse.
Une intervention politique (Moller Okin).
C’est de cette dernière solution qu’Olympe est la plus proche. C’est à mon avis une preuve de sa modernité. De même, aujourd’hui en France, il ne semble pas naturel qu’un enfant porte ou le nom de son père ou celui de sa mère… Pourtant Olympe le propose.
Cela m’amène directement au poste suivant

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[club] Olympe de Gouges – Grandeur

[photopress:jpg_bastille.jpg,thumb,pp_image]Ce n’est pas d’être une femme, ce n’est pas d’avoir défendu les femmes, c’est d’avoir toujours voulu la paix et refusé les excès qu’ils viennent du roi ou de la Montagne. Ainsi elle a défendu le roi contre ses accusateurs, et dénoncé le despotisme naissant de Robespierre.
Elle dit en effet (à la page 12 de l’ouvrage de Sophie Mousset) : p.12 : « Il est dans mon caractère de me ranger dans le parti du plus faible et de l’opprimé. Je ne trouve nullement méritoire ni courageux à cinq cents ou mille personnes d’égorger un seul citoyen sans défense ». C’est là toute sa grandeur.

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[club] Olympe de Gouges – Unité des femmes

[photopress:mouset.jpg,thumb,pp_image] Ce qui est frappant et dans l’histoire d’Olympe et dans ses écrits, c’est la désunion des femmes. Les femmes ne font pas front ensemble, ne revendiquent pas la même chose, se mettent des bâtons dans les roues…
Ainsi Sophie Mousset évoque des révolutionnaires qui ont fait d’autres choix qu’Olympe ( p.112 : Claire Lacombe, Pauline Léon). Elle explique aussi qu’Olympe a été critiquée par des femmes.
Olympe à son tour ne manque pas de dénoncer la coquetterie des femmes et reconnaît une certaine culpabilité des femmes dans leur sort. P.21 : « Les femmes ont fait plus de mal que de bien ».
Ce manque d’unité des femmes va à mon sens soutenir et la singularité d’Olympe et la thèse universaliste. Ce n’est pas le sexe qui fait la différence… Si c’était le sexe, alors ou toutes les femmes se plairaient dans la soumission ou toutes se révolteraient, mais on ne remarqueraient pas une infinité de différences…