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[club] J. Austen – Pride and Prejudice : Actualité de la vision de la femme

[photopress:Fragonard_Lectrice.jpg,thumb,pp_image]Alors que j’étais en train de lire Pride and Prejudice, le nom de Darcy sonnait étrangement familier à mon oreille, et je me suis rappelé d’un film dans lequel le héros masculin s’appelait Darcy : The Diary of Bridget Jones.
Il s’agit bien sûr de culture populaire, mais il me semble que la reprise de la trame du roman de Jane Austen par ce livre puis ce film à succès (cette reprise pouvant peut être justement expliquer son succès) est révélateur de l’actualité des questions que Pride and Prejudice pose, aujourd’hui encore, sur la condition féminine et la manière dont les femmes en particulier abordent la question du mariage.
Pour ce qui est des points communs entre Pride and Prejudice et Bridget Jones, les voici : l’héroïne hésite dans les deux cas entre deux prétendants, dont l’un, qui s’appelle Darcy, est d’abord dénigré par l’autre, et à ce titre rejetépar l’héroïne. Par la suite, celle-ci découvre que c’est en fait le second prétendant qui a causé du tort à Darcy, et elle perd tous les préjugés qu’elle avait à son sujet. On retrouve le même schéma familial dans les deux cas, à savoir que le père de l’héroïne l’aime beaucoup et est très proche d’elle, alors que sa mère est décrite comme une femme futile et insupportable. L’image du couple véhiculé par ces parents n’est pas des plus glorieuse, et l’héroïne est très attachée à sa famille. Enfin, dans les deux cas, le portrait de l’héroïne va à l’encontre des codes que la société qui lui est contemporaine véhicule à propos de la femme : Elizabeth n’est ni douce, ni effacée, ni passive ; Bridget Jones ne correspond pas aux canons physiques en vigueur et n’a aucune des qualités d’une femme au foyer (elle ne sait pas cuisiner, elle boit et fume, est maladroite).
Si la question soulevée dans Pride et Prejudice se retrouve dans Bridget Jones, c’est en ce que, dans les deux cas, le problème de la représentation sociale de la femme et de la définition du mariage comme entrant en compte dans l’identité d’une personne sont posés. Dans les deux cas, le mythe de l’amour heureux, facile, évident, immédiat et épanouissant, est contesté, car ce n’est jamais seulement la personne elle-même qui est aimée et attendue, mais aussi la projection du rôle social qu’elle doit tenir (et ceci est vrai tant de l’homme que de la femme). A ce titre, Bridget Jones manque cruellement de profondeur car cet ouvrage ne met pas à mal les préjugés concernant l’identité masculine (Darcy, dans Bridget Jones, reste un prince charmant sans faille) : Pride and Prejudice a le mérite et la clairvoyance de présenter un personnage masculin complexe, imparfait, mais qui lui aussi parvient à se faire apprécier pour autre chose que son rang social ; Elizabeth a elle aussi des préjugés. C’est sans doute ce qui fait de Pride and Prejudice une oeuvre de littérature et de Bridget Jones une simple production de divertissement, qui flatte les rêves des spectatrices évitant d’aborder le problème soulevé avec lucidité.

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