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Margaret Atwood, Le livre des vies

Margaret Atwood était à Paris le 18 novembre 2025 pour lancer son dernier ouvrage, Le livre des vies (et fêter son anniversaire !).
Du haut de ses 86 ans, l’écrivaine mondialement reconnue a présenté ses mémoires. Elle y retrace son parcours d’autrice, le succès de la Servante écarlate, livre ses souvenirs de famille et partage ses inquiétudes sur l’avenir de nos civilisations.

Une rencontre placée sous la signe de la sororité, de l’espoir et de l’humour !  

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Le retour sur la soirée est à écouter dans Qui a peur du féminisme !

Pour aller plus loin

Margaret Atwood, Le livres des vies, Robert Laffont, 2025

Margaret Atwood, La servante écarlate, Robert Laffont, 1987

The Handmaid’s Tale (2017-2025, Bruce Miller)

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Critique série – The Deal et les femmes de pouvoir

La série The Deal traite du pré-accord entre l’Iran et les pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU en 2015 en Suisse. 

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Dans cette série, une diplomate nommée cheffe de la délégation suisse voit son rôle menacé par l’arrivée de celui qu’elle a aimé en Iran et qui est désigné comme l’ingénieur nucléaire de référence par le régime iranien. Sauf qu’elle sait qu’il est un opposant au régime… Et qu’elle ignore pourquoi il a coupé les ponts avec elle du jour au lendemain. 

Entre thriller et série d’espionnage, The Deal tisse une trame sentimentale sur un fond géopolitique. La situation internationale est évoquée plutôt que reconstituée car les variations par rapport à la situation réelle sont nombreuses, et les personnages sont fictifs. 

La construction des personnages féminins est exemplaire, comme l’écriture et la réalisation. A voir jusqu’en avril sur Arte ! 

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Interview – Sophie Bénard et les groupies

 Sophie Bénard est journaliste et autrice. Critique au Monde des livres, elle a suivi des études de philosophie et a signé un roman, Faire corps, paru aux Equateurs en 2024.  

Nous l’invitons aujourd’hui pour son essai paru aux éditions Pérégrines dans la collection « Genre »! », Splendeurs et misères des groupies.

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Qui sont ces (jeunes) femmes hurlantes qui se damneraient pour toucher leur idole ? Sont-elles vraiment celles que l’on croit ? La groupie s’accorde-t-elle au masculin ? Autant de pistes de réflexion et de recul critiques que propose Sophie Bénard dans son essai, qui conjugue Ed Sheeran et Platon. 

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Une interview à écouter sur Spotify !

Pour aller plus loin

Sophie Bénard, Faire corps, Paris, Les équateurs, 2024

Sophie Bénard, Splendeur et misères des groupies, Paris, Pérégrines, 2025

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Interview – Bernard Cabanier, le labyrinthe et Garcia Lorca

Bernard Cabanier est romancier ; il a fait paraître une trilogie aux éditions Ovadia, Passeurs de l’être, le Labyrinthe de l’être et des Lettres à l’être.

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Nous rencontrons cet auteur dont la vocation précoce a été nourrie par son expérience d’enseignement milieu carcéral, et à qui la lecture de Frederico Garcia Lorca a appris la voie de la transgression. 

Il nous parle notamment de La maison de Bernarda Alba, pièce de théâtre de Garcia Lorca dont les personnages sont exclusivement féminins.

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Interview – Aurore Evain sur Shakespeare et Mary Sidney

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Nous recevons aujourd’hui Aurore Evain, comédienne, metteuse en scène, autrice et chercheuse. Aurore Evain est directrice artistique de la compagnie théâtrale La Subversive ; membre de la SIEFAR (la société internationale des écrits de femmes de l’Ancien Régime), elle est spécialiste du matrimoine théâtral et a mis en scène plusieurs pièces écrites par des femmes comme Le Favori de Mme de Villedieu, La Folle enchère de Mme Ulrich ou encore Laodamie de Catherine Bernard.

Aurore Evain a dernièrement fait paraître Mary Sidney alias Shakespeare : L’oeuvre de Shakespeare a-t-elle été écrite par une femme ? Cet essai, qui se présente comme une véritable enquête, est paru aux éditions Talents Hauts en 2024. 

Pour aller plus loin

Aurore Evain, L’Apparition des actrices professionnelles en Europe, Paris, L’Harmattan, 2001

– avec Perry Gethner et Henriette Goldwyn (dir.), Théâtre de femmes de l’Ancien Régime, Paris, Garnier Classiques, 2007, 5 vol

– (dir.), Dictionnaire des femmes de l’ancienne France (en ligne), « Arts du spectacle »

-, Mary Sidney alias Shakespeare : L’oeuvre de Shakespeare a-t-elle été écrite par une femme ?, Vincennes, Talents Hauts, “Alias”, 2024

-, En compagnie. Histoire d’autrice de l’époque latine à nos jours, suivie de Presqu’illes par Sarah Pèpe, éditions X, 2019

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Interview – Dominique Ancelet-Netter et Sandrine Weil sur la mémoire de la déportation

Nous recevons aujourd’hui deux personnes que vous avez déjà entendues dans notre podcast, et c’est avec un grand plaisir que nous les recevons aujourd’hui en tant qu’autrices.

Notre première invitée est Dominique Ancelet-Netter, qui, je vous le rappelle,  a occupé la fonction de Maître de conférences en littérature à la faculté des lettres de l’Institut Catholique de Paris. Dominique est spécialiste du Moyen Âge mais aussi de Paul Bourget et elle vient de publier un roman aux éditions Spinelle, Les Plaques du souvenir. 

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Dominique Ancelet-Netter et Les Plaques du souvenir

Notre deuxième invitée est Sandrine Weil,  professeure de Lettres Modernes et cinéma, qui anime une émission sur la radio associative Radio Prévert et qui enseigne habituellement au lycée polyvalent Estournelles de Constant de La Flèche et à la Nouvelle Chance au Mans, un lycée qui lutte contre le décrochage scolaire. Sandrine a fait paraître ces dernières semaines un récit intitulé Il ne faudra plus raconter des histoires : Le livre de Jean, 1942-1945, un enfant dans les camps, aux éditions l’Harmattan dans la collection “Graveurs de mémoire”.

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Sandrine Weil et la photo de couverture d’Il ne faudra plus raconter des histoires

Leurs ouvrages présentent plusieurs points communs, notamment celui de traiter de la mémoire de la déportation, de la transmission du souvenir et de la conjuration du silence, par le biais de l’histoire familiale et de l’intime.

A écouter sur Qui a peur du féminisme ?

Pour aller plus loin

Dominique Ancelet-Netter, Les Plaques du souvenir, Spinelle, 2025

Sandrine Weil, Il ne faudra plus raconter des histoires : Le livre de Jean, 1942-1945, un enfant dans les camps, l’Harmattan, “Graveurs de mémoire”, 2025

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Interview – Lorena Media sur les femmes dans le tango (en espagnol)

Nous recevons aujourd’hui Lorena Medina, danseuse de tango, professeure de danse et directrice de l’école Piropo Tango. Lorena vit et enseigne en Argentine, et elle nous répond depuis Buenos Aires. Elle a monté un spectacle sur les premières femmes à avoir chorégraphié et dansé le tango intitulé Pioneras.

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Voici les questions que nous lui avons posées :

Qui es-tu, Lorena

  1. Tout d’abord quelques questions sur toi : comment as-tu découvert le tango et à quel moment as-tu su que c’était ta vocation ? 
  2. As-tu rencontré des difficultés en tant que femme à monter ton école de danse ? Parviens-tu à vivre de ta passion aujourd’hui ? 

Histoire des femmes dans le tango

  1. Nous connaissons assez mal le tango en France : peux-tu nous expliquer en quoi cette danse consiste, quelle est son histoire ? 
  2. Tu as créé un spectacle sur les pionnières du tango. Peux-tu nous en dire plus sur ces femmes. 
  3. Ton spectacle s’appelle Pioneras. Est-ce que cela veut dire qu’il y a un tango d’hommes et un tango de femmes ? Quelle serait la différence ? 

La reconnaissance deds femmes dans le tango aujourd’hui

  1. La place des femmes dans le tango a longtemps été minoré. Qu’en est-il aujourd’hui ? Observes-tu une évolution ? 
  2. Pour finir sur des conseils d’écoute et de visionnage, quels grands et quelles grandes artistes de tango conseilles-tu à nos auditeurs et auditrices d’écouter ou d’aller voir sur scène ?
https://spotifycreators-web.app.link/e/892hROo3EQb

Pour les sous-titres ne français de cette interview, rendez-vous sur Youtube !

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Interview – Sophie Lebarbier, Les liens mortifères

Sophie Lebarbier est scénariste, productrice et autrice de polar. Après avoir créé, écrit et produit la série Profilage (TF1), elle a publié plusieurs polars dont Les liens mortifères en 2022. Une flic y enquête sur la disparition d’une actrice dont la soeur, psy, s’est éloignée avec les années. La sororité peut-elle nous sauver de la noirceur du monde ?

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Sophie Lebarbier


1. Dans ton roman, tu as choisi de mettre des soeurs au centre de l’intrigue, et l’une est victime. Y a-t-il quelque chose de romanesque dans le lien qui unit des soeurs qui t’a particulièrement inspiré ?

Effectivement, je trouve la figure des sœurs très inspirante. Je l’ai exploitée dans le roman Les liens mortifères, et aussi dans la série Profilage pendant plusieurs saisons, avec les jumelles Adèle et Camille. 

J’ai des frères mais pas de sœur. Peut-être que je fantasme un peu ce lien, sa force et son ambivalence. 

La fratrie d’une manière générale me semble une excellente matière romanesque : vous pouvez tenter de vous montrer sous votre meilleur jour à un amant, une maîtresse, à un ami même. Mais un frère ou une sœur a grandi avec vous, il connaît tous vos travers, vos petites et vos grandes faiblesses. 

Il ou elle est aussi dépositaire de la même histoire familiale que vous, c’est un trésor commun que vous partagez. Avec des interprétations différentes de cette histoire en fonction de votre place dans la fratrie, ce qui peut rendre la confrontation des points de vue riche… ou agitée. 

La relation entre deux sœurs (ou entre deux frères) me paraît plus forte encore parce que s’y ajoute inévitablement une notion de comparaison/compétition. 

Quels que soient les sentiments que vous inspirent un frère ou une sœur, ils ont eu toute l’enfance pour se sédimenter. A l’âge adulte, ils forment donc une couche épaisse, compacte et complexe. C’est une matière très riche pour nourrir des intrigues romanesques.

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2. La personne qui mène l’enquête est une femme : penses-tu que le genre du personnage principal influe sur la narration dans le cas du roman policier ? Hommes et femmes mènent-ils l’enquête de la même façon ? 

Tes questions me titillent. Instinctivement, j’ai envie de répondre que le genre du personnage principal n’influe en rien sur la narration, ou alors à la marge. Que ce qui définit un enquêteur (policier ou non) c’est avant tout le fait qu’il enquête. 

Sauf que…

De fait, dans mes romans comme dans les séries que j’ai pu créer, les personnages principaux sont toujours des femmes. C’est plus naturel pour moi de me glisser dans un point de vue féminin. Mes héroïnes enquêteraient-elles différemment si elles étaient des hommes ? Difficile de répondre sans avoir essayé.

Beaucoup de romanciers parviennent faire reposer leurs intrigues sur les épaules d’un personnage d’un genre différent du leur. Je pense par exemple à Olivier Norek. On connaît sa série sur le capitaine Coste, un homme. Avec Surface, il met en scène Noémie Chastain qui n’est pas moins flic que Coste au prétexte qu’elle serait une femme.. 

Pour autant, il n’y a pas de raison que les romanciers échappent aux biais de genre dont nous sommes tous victimes. Aujourd’hui on dispose des outils théoriques pour en être conscients. C’est déjà quelque chose.


3. « Toi,  hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère » : es-tu d’accord avec ce vers de Baudelaire qui fait du lectorat une sorte de famille pour l’auteur ou l’autrice  ?

Oui, trois fois oui. Je fais partie des auteurs qui assument d’écrire pour un lectorat (ou des scénaristes qui écrivent pour un public). Je l’assume et je le revendique. Un de mes grands plaisirs avec le roman consiste même à adresser des clins d’œil au lecteur (quand le narrateur l’interpelle directement par exemple). 

Mon travail, à travers les histoires que j’invente, consiste à faire naître des émotions chez le lecteur. Je présuppose donc chez le lecteur les mêmes emballements, aspirations, faiblesses et renoncements que chez moi. Ce sont des leviers que j’actionne sur la base de notre commune humanité.

Après, c’est comme en politique : ce n’est pas parce qu’on cherche à parler au plus grand nombre qu’on doit être démagogue et flatter les bas instincts ! 

Les liens mortifères est à découvrir au Livre de poche !

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Interview – Les femmes dans la tech avec Maelys Beulque

Nous recevons aujourd’hui Maëlys Beulque, Tech Entrepreneure, formatrice digitale et experte SEO. Elle a récemment été reçu docteure à l’International Management School de Genève.

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Maëlys travaille donc dans ce qu’on appelle la “tech” plus de dix ans. C’est une experte reconnue dans son métier et c’est pour parler de la place des femmes dans la tech que nous l’invitons aujourd’hui.  

Selon l’étude Gender Scan, en 2022, seulement 17 % des effectifs de la tech française étaient des femmes, contre 22 % en Europe… Le pays des droits de l’Homme serait-il à la traîne quand on parle égalité hommes/femmes ?

Pour en savoir plus :

Maelys Beulque et Virginie Faivetn Stratégie E-Marketing, éditions Micro Application, 2022.

Et suivez son profil LK : https://www.linkedin.com/in/maelys-be…

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Interview – Camille Emmanuelle, Cucul

Camille Emmanuelle est journaliste, autrice et scénariste. Nous l’avions interviewée en 2022 au sujet de son expérience d’écriture de romance et de réflexion féministe sur l’écriture de la sexualité. Elle publie cette année un roman, Cucul, dans la nouvelle collection « Verso » des éditions du Seuil. Dans cette fiction, une autrice de romance, Marie, tue son personnage principal, male alpha d’une dark romance, pour le voir resurgir le lendemain en chair et en os dans son salon…

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Camille Emmanuelle par Marie Rouge

Il existe un lien entre toi et ton personnage principal : comme Marie tu as toi aussi écrit de la romance. Mais est-ce que tu as eu aussi, comme Marie, à écrire de la dark romance ?

J’ai en effet écrit pendant un an sous pseudo de la New Romance ; c’était il y a 11 ans, la Dark Romance n’existait pas, en tout cas ce n’était pas un phénomène comme ça l’est aujourd’hui. On ne m’a pas demandé, comme mon héroïne Marie, d’écrire la Dark. Pourtant, quand j’écrivais ces trucs-là, je me disais déjà que c’était réac comme récit, à la fois sur le couple, sur l’amour, et aussi sur le corps… Je me disais : « ça peut pas aller plus loin que ça, les gens vont se lasser, les lectrices vont se lasser ! » Et Il y a trois ans, des amis libraires m’ont parlé de la dark romance. En fait, ils m’ont alerté sur deux choses, sur le genre de la Dark Romance, qui est le petit frère psychopathe de la New Romance, et aussi sur le lectorat, qui avait vraiment rajeuni. Moi, il y a 11 ans, quand j’ai écrit de la New Romance, la maison d’édition qui m’employait me disait que la cible c’était les 18-25 ans. Mais là, le lectorat s’est rajeuni. Il y a beaucoup de collégiennes qui achètent de la dark à partir de 11 ans alors que ce n’est vraiment pas fait pour elles. Elles n’ont pas forcément le recul nécessaire pour comprendre ces récits qui sont certes des histoires d’amour avec des scènes de sexe, mais aussi autre chose. Ces histoires véhiculent une glamourisation de la violence masculine. Dans la new romance, celui qui est sexy, c’est l’homme mystérieux, dominant, distant… Mais là, en plus, il est dangereux, violent. Dans Captive, le personnage féminin n’arrête pas de dire que le personnage masculin est un psychopathe, par exemple. Elle découvre la faille intérieure de l’homme et elle comprend que s’il est si méchant, ce n’est pas de sa faute, et qu’elle seule réussit à voir sa faille.  Bon, dans la vraie vie, quand on tombe sur ce genre de gars, ça ne finit pas bien…

C’est le schéma des violences et de l’emprise, qui reprend le profil psychologique de la sauveuse et de l’homme qui se victimise alors qu’en fait c’est lui qui est l’auteur des violences…

Exactement. Un autre schéma qu’utilisent les hommes violents dans la vraie vie et qui est vu comme quelque chose de chouette dans ces romans, c’est que c’est un homme protecteur. C’est-à-dire que, ok, il est violent, ok, il a séquestré, mais les hommes dans le monde extérieur sont encore plus dangereux. Il va donc protéger la jeune fille d’un monde encore plus dangereux que lui ne peut l’être. Et ça, c’est un discours qu’on peut entendre dans la bouche des hommes violents qui disent « je les connais les hommes, c’est vraiment tous des salauds : moi je vais te protéger ». Quand un homme te dit ça, c’est un red flag, ça veut dire qu’il va tenter de t’enfermer, de contrôler la façon dont tu t’habilles, etc.

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Ton personnage Marie se demande à un moment si elle ne prend pas goût au fait d’être protégée. Tu poses à travers ce passage la question de ce à quoi on peut adhérer, malgré nous, dans ce fantasme véhiculé par Dark Romance…

Oui, c’est ce qui fait que j’ai écrit un roman (et une comédie d’ailleurs) plus qu’un essai : je voulais aborder cette question-là, et plus généralement la question de nos fantasmes et de nos ambivalences. Toute une génération, dont je fais partie, a été biberonnée à la figure du bad boy, et de l’homme protecteur. C’est une figure très ancienne, qu’on retrouve aussi dans la littérature classique du XIXe siècle : la figure du sauveur, du prince charmant. L’éducation féministe s’y oppose et nous pousse à ne pas aller vers ce type d’hommes, puisque ce n’est pas avec eux qu’on va vivre une histoire amoureuse égalitaire. On est dans un environnement un peu schizophrène ! Les collégiennes et les lycéennes d’aujourd’hui savent ce que c’est le bon consentement elles sont plus éduquées que nous là-dessus. Pour autant, elles lisent beaucoup, beaucoup de ce type de récits. Je m’interroge sur cette ambivalence et plutôt que d’y répondre d’un point de vue moral, j’y ai répondu à travers la voix de plusieurs personnages. Il y a des personnages qui me disent : «  ça va, c’est que des fantasmes, on a le droit de lire ce qu’on veut, etc. Et puis, les jeunes filles, elles ne sont pas connes, elles savent très bien que c’est de la fiction ». Et d’autres qui vont répondre: « Mais elles sont jeunes. Et ce qu’on lit a un impact sur notre façon de voir le monde. »

Cette ambivalence, on la retrouve dans tes deux personnages masculins de José et de James, qui représentent deux modèles de virilité. Marie a avec José un rapport plus égalitaire, avec davantage de complicité, de connivence et de compréhension…

Et d’humour aussi, parce que James n’est pas drôle du tout !

C’est vrai ça, ça ne m’a pas frappée tout de suite ! Ces deux personnages proposent donc deux manières différentes de réfléchir à la masculinité. Est-ce que tu l’as conçu comme ça ?

James est en effet un archétype et un stéréotype, mais bon, ce n’est pas de sa faute, il est né comme ça ! C’est un personnage archétypal qui a été commandé par la maison d’édition et que Marie a créé. Et José, lui, je dirais que c’est plus un jeune homme d’aujourd’hui, qui s’est construit dans sa séduction avec autre chose que ses atouts physiques et qui a développé de l’humour, la culture, l’intelligence, du dialogue avec les femmes… Il sait qu’il ne sera jamais une mâle alpha dominant. Et il ne voit pas les femmes comme des proies ! Alors que James correspond à l’idéal de certains mascus, c’est-à-dire un mâle alpha, avec beaucoup d’argent, un physique d’Apollon, des tablettes de chocolat. Je trouvais ça important d’avoir un contrepoint à ce personnage avec José, sachant que ce n’est pas un personnage qui a été facile à écrire. Dans la première version du roman, il n’était pas assez séduisant. Les premiers retours de lecture disaient : « On préfère quand même, James ! ». James, on voit tout de suite qui il est, parce que c’est un archétype, alors que José, c’est un personnage parmi d’autres, un être humain parmi d’autres. J’ai  donc dû réécrire le personnage José pour dire : « non, mais il est vraiment chouette ! ». Cela crée un vrai dilemme chez mon héroïne au moment de choisir entre les deux personnages masculins, comme dans une bonne comédie romantique.

À propos des com rom, on lit dans Cucul des scènes qu’on aimerait voir à l’écran, comme la scène de drag-queens dans la boîte à Belleville ou celle du bookclub féministe pendant un match de foot… D’ailleurs tu écris également des scénarios : est-ce que cette écriture scénaristique a influencé ton travail ?

Je pense que le fait de travailler sur des scénarios de séries depuis 4-5 ans a en effet influencé mon écriture, notamment dans la construction narrative. Le précepte numéro un, quand on écrit pour l’écran, c’est « show don’t tell » alors que dans le roman, on peut dire « tell don’t show ». C’est d’ailleurs ce que j’aime avec le roman : il y a une liberté dans l’écriture romanesque qu’il n’y a pas dans l’écriture sérielle ou visuelle en général. On peut faire ce qu’on veut avec ses personnages, sans contraintes, de prod notamment. Et les droits ont bien été achetés par une boîte de prod pour faire un long métrage !

Une question sur la fin du roman : Marie se donne comme objectif d’écrire sous son nom et d’écrire de la fiction qui ne soit pas la romance, : est-ce que ce personnage, ce n’est pas un peu toi aussi ? Y a-t-il eu un effet de légitimation de ton écriture de fiction à travers ce livre ?

Entre mes romances et Cucul, j’ai écrit Le goût du baiser, un roman Young Adult, et pour le coup, c’était ça : me prouver que je pouvais écrire un roman qui ne soit pas de la New romance. J’avais un peu peur après la New romance d’avoir gâché mon écriture, qu’elle ait été transformée par ce style. En fait, j’ai eu besoin de passer par le roman ado avant de pouvoir écrire un roman tout court. Parce que le roman ado, c’est une écriture particulière, un public particulier. J’ai d’abord fait mes armes dans le petit bain avant de plonger dans le grand bassin ! Il y a quelques années, j’avais peur du roman à proprement parler à cause d’un syndrome de l’imposteur… C’était comme si, quand je me mettais à écrire, tous les fantômes d’auteurs que j’adorais étaient là et me disaient : « Tu veux écrire un roman ? vas-y, on te regarde ! ». Je suis donc passée par l’étape du roman Young Adult pour pouvoir me dire que j’écrivais un roman, en sachant que le roman adulte que j’ai écrit est une comédie, ce qui est aussi une littérature de genre. Le syndrome de l’imposteur est tellement fort que je dois passer par le genre. Mais j’aime beaucoup la littérature de genre aussi, comme la littérature érotique : j’ai beaucoup d’admiration pour ceux qui y arrivent. Ce n’est pas parce que c’est du genre que c’est facile.

Tu as aussi écrit Ricochets, un essai nourri de ta propre expérience dans lequel il y a un peu de récit de soi…

Oui, tout à fait. Dans Ricochets il y a à la fois une enquête journalistique et un récit personnel, un mélange des deux. Je n’ai pas relu Ricochets depuis qu’il est paru et même si le sujet est très dur évidemment (les attentats de 2015, NB), je dis aux gens qui m’en parlent : « il y a quand même des blagues dedans ! ». Mais ce n’est pas du tout ce qu’ils retiennent. À l’inverse, quand j’ai commencé Cucul, je ne me suis pas dit « Allez, j’écris une comédie », juste : « je vais écrire un truc qui, moi, va me faire rire ». Cette forme de légèreté est venue avec l’histoire.

Cucul est à explorer aussi sur le site de Camille Emmanuelle