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[club] Marie de France – Authenticité, encore…

L’auteur des Lais se présente comme se nommant « Marie » ; elle serait la même que la traductrice de fables d’Esope et d’un texte sur le Purgatoire de Saint-Patrick.

Se demander s’il s’agit bien de la même personne ne choque personne : cela relève de la prudence éditoriale.

Mais se demander si l’auteur qui se présente comme s’appelant « Marie » est bien une femme… C’est la question que pose un critique dans un article paru en 1981 (J.-C. Huchet dans Poétique) ainsi que le rapporte l’édition Livre de Poche des Lais.

Je n’ai pas pu consulter cet article mais je ne peux manquer de m’interroger à mon tour : si l’auteur avait dit s’appeler Benoît, Adam ou Pierre, aurait-on aussi remis en question l’authenticité des textes ?

De même pour Héloïse : dès qu’une femme semble avoir pris la plume, la question de l’authenticité devient cruciale. Cela ne veut pas dire qu’elle ne se pose pas pour les auteurs masculins – seulement, l’enjeu n’est pas le même. Ici, il s’agit de savoir si une femme peut, au Moyen Age, avoir écrit et diffusé ses écrits… Le parcours de notre bookclub tend à prouver que oui.

Marie de France serait après tout le premier auteur médiéval à écrire en français : l’enjeu est de taille pour l’histoire de la littérature française !

2 réponses sur « [club] Marie de France – Authenticité, encore… »

Excellente remarque.
Je pense que de s’étonner sur le sexe de l’auteure peut relever de différentes démarches. Celles qui veulent enquêter sur le rôle des femmes dans la société ou encore prouver leur intelligence sont intéressantes, celle qui par contre s’interrogent sur l’écriture féminine m’intéressent par contre nettement moins, voir pas.
De plus je pense que l’exemple de Marie de France est représentatif du statut de l’auteur au Moyen-Age : il n’y a pas de propriété intellectuelle (l’auteure des lais se présentent comme une traductrice ou une transcriptrice de la tradition orale), et il n’y a pas de recherche d’originalité ou de postérité.

En effet, il n’y a pas de notion d’auteur au Moyen Âge – et pourtant on voit ici que l’auteur prend soin de signer son oeuvre, ce qui est intéressant. Elle se définit comme un simple passeur de texte, pas comme un créateur, et en cela elle ne se pose pas en auteur ; mais elle se met en avant, comme Chrétien de Troyes dans certains textes.
D’ailleurs je me demande si cette absence de la notion d’auteur au Moyen Age vaut pour tous les genres littéraires : cela marche assez bien pour le roman, mais pour la poésie ? Souvent les poètes du Moyen Age, surtout à la fin de cette période, font des jeux de mots avec leur nom ou mettent leur nom et leurs mésaventures en avant (cf Villon, Rutebeuf, Charles d’Orléans…).
Nous en saurons peut-être plus à la lecture de Christine de Pizan et d’un autre genre littéraire, l’écrit argumentatif.

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