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[club] Emily Dickinson – Poems : La passion amoureuse

« Si Emily Dickinson s’inscrit dans la lignée des grands poètes de l’amour, une lecture attentive de tous les poèmes des cahiers laisse percevoir que la passion est néanmoins loin d’occuper tout l’être du poète. Dans cette période troublée de son existence, au seuil de la maturité, on l’y voit partagée entre désir de jouissance et consentement à la solitude. La passion, par son impossibilité même, l’incite à méditer sur le mariage, en tant que symbole de fusion entre deux êtres, à prendre ses distances vis-à-vis de ce qu’elle considère au terme de sa réflexion comme une utopie (il faut lire au second degré les poèmes où l’on croit déceler une nostalgie quelconque) et à le projeter dans un avenir intemporel : « Mariage nouveau, / Par des Calvaires d’Amour – légitimé ». L’accomplissement de l’amour dans le temps – quand bien même les circonstances s’y seraient prêtées – n’est pas une solution pour cette sœur d’Emily Brontë, non plus que pour la Catherine Earnshaw des Hauts de Hurlevent.
On peut même se demander si la passion n’est pas une concession du poète au romantisme, un thème littéraire dont cette lectrice avide des Brontë, des Hauts de Hurlevent mais aussi de Jane Eyre et, dans son pays, de Longfellow, s’est emparée pour y couler son mal de vivre dans un temps déserté par l’absolu. Ceci expliquerait qu’à l’intérieur de chaque cahier elle puisse abandonner assez aisément la posture de poète-amante pour se livrer à la spéculation, à l’exploration d’états extrêmes ou à des activités plus ludiques de la poésie. »

Claire Malroux, Préface à E. Dickinson, Une âme en incandescence

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