Ce qui semble le plus novateur dans Mrs Dalloway, c’est la façon décomplexée avec laquelle V. Woolf aborde la question de l’homosexualité féminine. « But this question of love (she thought, putting her coat away), this falling in love with women. Take Sally Seton; her relation in the old days with Sally Seton. Had not that, after all, been love? ».
D’emblée, la question n’est pas celle de la perversion homosexuelle, de sa dimension honteuse, de la difficulté d’éprouver un désir coupable, mais celle de l’amour, tout simplement. Clarissa se souvient de quelle manière le sentiment qu’elle a éprouvé pour Sally est né en elle, la manière dont elle lui est apparue, sa beauté, le pouvoir de fascination qu’elle a exercé sur elle. Mais toujours revient le leitmotiv de la sincérité de ce sentiment d’une femme à une autre, qui fait toute son étrangeté parce que, précisément, les cadres de la société victorienne font en sorte qu’on ne puisse pas le penser sincère ou simple : « The strange thing, on looking back, was the purity, the integrity, of her feelings for Sally. It was not like one’s feeling for a man. It was completely disinterested, and besides, it had a quality which could only exist between women, between women just grown up.” Et la description du baiser en est d’autant plus émouvante, parce qu’à la fois simple et ambiguë – ambiguë parce qu’elle ne « devrait » pas paraître naturelle. Cette ambivalence se retrouve dans la manière dont Woolf parle du sentiment de Clarissa pour Sally, et c’est là un des tournants du roman.
Peut-on aller jusqu’à dire que c’est un point féministe ? On touche plus au problème de l’homosexualité en général qu’à celui de l’homosexualité féminine en particulier, mais il me semble pourtant que Woolf met ici en avant que, une femme pouvant éprouver du désir pour une autre femme, et le désir étant habituellement représenté comme la marque d’un manque, l’homme n’est pas cette force, ce surplus dont la femme serait privée, et dont elle aurait besoin – et que, réciproquement, la femme n’est pas qu’une faiblesse, une force en creux, un vide, mais qu’elle sait inventer sa manière à elle d’être un tout. Et par là, c’est aussi la possibilité d’une radicale indépendance féminine qui est affirmée.
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