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[club] Zola-Mauriac – Mariage forcé

td 1Nos deux Thérèse présentent la particularité de n’avoir pas fait un mariage d’amour.

Le cas de Thérèse Raquin est plus frappant à ce titre que celui de Thérèse Desqueyroux. Elle est une parente de son futur époux Camille Raquin, elle est élevée avec lui, elle dort dans le même lit que lui depuis toute petite. Sa vie de femme mariée s’annonce comme la continuité de sa vie de petite fille. Mme Raquin lui propose ce mariage, les circonstances le lui imposent : elle ne connaît personne en dehors de la famille Raquin. Le mariage contracté avec Camille prend des allures d’inceste ; Mme Raquin pense d’ailleurs au moment du remariage de Thérèse avec Laurent « que, comme on dit, cela ne sortait pas de la famille » (ch. XIX).

Thérèse Desqueyroux semble faire un mariage d’amour : c’est après tout elle qui choisit d’épouser Bernard. Mais il apparaît que ce mariage convient tout à fait aux deux familles, pour des raisons patrimoniales (les pinèdes qu’ils possèdent les uns et les autres), et que le choix de Thérèse est davantage guidé par son affection pour la soeur de Bernard, Anne, que pour Bernard lui-même.

Ainsi, si le mariage de Thérèse Desqueyroux n’est pas arrangé au même titre que celui de Thérèse Raquin, il reste un mariage d’intérêt, non pas pécuniaire comme finissent par le penser la famille de Bernard et Bernard lui-même, mais affectif : en épousant Bernard, Thérèse reste proche d’Anne. C’est d’ailleurs cette dernière qui élèvera la petite Marie, comme on l’apprend dans la suite de Thérèse Desqueyroux, La fin de la nuit.

Aussi les données de notre question sont-elles légèrement changées par rapport aux programmes de lecture précédent : il s’agit toujours de désespoir conjugal, de la détresse de femmes enfermées dans le mariage et la vie domestique, mais ce désespoir et cette détresse sont d’une toute autre teneur que celles des femmes américaines du milieu du XXe s. ou des mères, au foyer ou active, de notre Europe de début de XXIe s.

Y aurait-il donc toujours eu un désespoir de la femme mariée ? Aurait-il seulement changé de cause, d’où de sens ? Ou bien les mariages des deux Thérèse sont-ils particuliers même pour leur époque, et expliquent à ce titre (selon une certaine lecture de ces romans) leur crime ?

3 réponses sur « [club] Zola-Mauriac – Mariage forcé »

Je ne sais pas si la situation des Thérèse est si différente de celle des femmes au foyer américaines. Comme je l’ai dit dans mon précédent commentaire, elles n’existent pas. Betty Friedan explique que les femmes ne peuvent pas exister car elles sont privées d’identité et doivent seulement jouer un rôle.

Cela relance la question du milieu : les deux Thérèse, comme les femmes américaines étudiées dans les romans que nous avons lus, appartiennent à la bourgeoisie (petite, moyenne, grande…). Il pourrait être intéressant de comparer ces récits avec ceux de la condition de la femme mariée dans les classes ouvrières et paysannes (cf L’assomoir, La terre de Zola) et dans l’aristocratie (où l’on peut reparler du Lys de la vallée de Balzac).

Pour Flaubert, la réponse est claire : les femmes du peuple n’ont pas le loisir de s’ennuyer. Cf. le destin de la fille d’Emma.
Mais je suis d’accord : il faudrait creuser

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