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[club] Christine de Pizan – Vie d’une femme de lettres au Moyen Âge

La premier chapitre de la Cité des Dames nous donne des indications sur le mode de vie de Christine de Pizan, qui n’est pas sans faire écho à nos précédentes lectures dans ce bookclub.

En effet, Christine indique qu’elle a reçu la visite des 3 vertus alors qu’elle était « assise dans (s)on étude, tout entourée de livres traitant des sujets les plus divers ». Elle précise qu’elle s’y adonne à « l’étude inlassable des arts libéraux », soit la rhétorique, la grammaire, la dialectique pour le trivium et l’arithmétique, la géométrie, la musique et l’astronomie pour le quadrivium, selon son « habitude » et une « discipline qui règle le cours de (s)a vie ». Enfin, elle indique à la fin du premier paragraphe qu’elle interrompt une lecture lorsque sa mère vient l' »appeler à table ».

On trouve là une des conditions évoquées par Virginia Woolf pour que les femmes puissent écrire : disposer d’une « chambre à soi ». Ici, la chambre est même une « étude » chargée de livres…

Cela signale par là même le niveau de vie plutôt confortable de Christine, au vu du coût des manuscrits à l’époque : il fallait abattre un troupeau de bêtes afin d’avoir assez de parchemin pour constituer un manuscrit, ce à quoi s’ajoutait le prix des encres et le travail, généralement long de plusieurs mois, du copiste – même si Christine copiait elle-même et économisait sur ce poste budgétaire, il n’en reste pas moins que la détention d’une bibliothèque personnelle était un luxe réservé aux couvents et aux princes. On retrouve là une autre condition énoncée par Virginia Woolf  pour avoir un poids civique et social : avoir de l’argent à soi (cf Trois guinées).

Enfin, le fait que ce soit la mère de Christine qui administre la vie du ménage et non Christine elle-même signale une troisième condition : le loisir. Bien que veuve et mère de trois enfants, Christine réussit à avoir le temps pour faire vivre toute sa famille de sa plume. Est-ce parce que ses enfants étaient en nourrice puis placés, pour la fille au couvent, pour un de ses fils auprès de protecteurs d’influence? Est-ce grâce à une gestion intelligente de l’intendance domestique ? En tout cas, Christine n’est pas l' »Ange du foyer » que décrit Virginia Woolf comme le stéréotype de la femme sous l’ère victorienne ; elle se rapproche plutôt d’une figure masculine, ce qu’elle dit elle-même en stipulant que du jour où elle entreprit de gagner sa vie avec sa plume, elle devint « mâle ».

Comment penser dès lors la vie de Christine de Pizan : comment celle d’une femme ou comme celle d’un homme ?

2 réponses sur « [club] Christine de Pizan – Vie d’une femme de lettres au Moyen Âge »

Je pense qu’il faut la penser comme celle d’une femme. Ce n’est certes pas la vie de toutes les femmes, mais c’est une vie de femme possible. C’est la preuve que rien n’empêche les femmes de vivre ainsi…
C’est aussi la preuve que la condition socio-économique est un facteur important, bien plus important que le genre, la génétique ou autres arguments pseudo-naturels.

Tout à fait d’accord pour l’importance de la condition socio-économique.
Dans La vision de Christine, Christine de Pizan se livre à un récit autobiographique (3e partie) où elle indique quel a été son niveau de vie durant son mariage puis son veuvage. Même si des ennuis financiers sont survenus après la mort de son père et celle de son mari, il n’en reste pas moins que Christine est parvenue à maintenir un certain decorum dans ses vêtements (elle parle d’un manteau de petit-gris, une fourrure très recherchée) et un certain confort domestique.
Je reviens donc sur ce que j’ai écrit : Christine de Pizan n’a pas tout à fait vécu de sa plume. Elle disposait plutôt des moyens financiers pour vivre sans travailler et a employé son loisir à écrire afin de « compléter ses revenus », dirions-nous aujourd’hui. En effet, elle s’assurait ainsi la protection de grands (duc de Bourgogne, par exemple) qui pouvaient rémunérer ses ouvrages.
A noter que Christine précise dans La Vision que son succès comme femme auteur tenait principalement à la curiosité que suscitait le fait qu’une femme puisse écrire…

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