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[club] Badinter/Lê – Maternité et création artistique

linda-leUn argument de Linda Lê me dérange. Il semble que la principale raison qui pousse l’auteure à ne pas être mère est qu’elle veut se consacrer à son œuvre d’écrivain. C’est une idée qu’on a déjà rencontrée : l’incompatibilité entre être mère et être artiste. C’est une idée qui me dérange en premier lieu car elle est le plus souvent sexiste. Il y a quand on est des parents des obstacles matériels et organisationnels, mais ils doivent être surmontés autrement que par un « sacrifice » de la mère. Cela rejoint la thèse de Badinter comme quoi l’égalité des sexes est la solution au conflit entre féminité et maternité.

Il n’y a pas un phénomène biologique ou psychologique qui changerait le cerveau des femmes quand elles deviennent mères et les rendraient incapables de penser ou de créer convenablement. Si c’est cela la crainte de Linda Lê, alors elle est totalement dans l’idéologie de la bonne mère comme quoi la maternité est quelque chose de spécial, de sacré…

De plus, cet argument renferme une image de l’artiste que je n’approuve pas : celle d’un artiste supérieur ou tout au moins différent du commun des mortels et qui ne peut pas avoir la « vie de tout le monde ». Pour moi il n’y a pas d’incompatibilité entre changer des couches et penser/créer, ni entre laver le sol et penser/ créer, sauf qu’on ne fait pas les deux en même temps quoique… Pour moi être parent et être autre chose quoique ce soit, c’est une question d’organisation du temps, et de politiques la facilitant, ce n’est pas métaphysique mais très concret.

Une réponse sur « [club] Badinter/Lê – Maternité et création artistique »

Je vais tout à fait dans ton sens, en ajoutant que même si la pensée/création ne pouvait se faire qu’à plein temps, des pauses « change de couches » ou « lavage de sol » seraient de bons moyen de laisser les idées décanter… pour mieux en tirer quelque chose. Archimède n’a-t-il pas crié « Eurêka » dans sa baignoire et non au moment où il était censé travailler ?
A l’idéal de bonne mère s’oppose, chez Linda Lê, l’idéal de grande artiste. Les deux sont faux. Citons en vrac, parmi les contemporaines dont nous avons traité dans ce bookclub, Elisabeth Badinter justement, qui a 3 enfants ; Julia Kristeva, un ; Françoise Dolto, trois enfants ; et parmi les autres : George Sand, qui avait une fille et un fils ; Mary Wollstonecarft, 2 filles (dont l’une deviendra Mary Shelley) ; Agatha Christie (à qui on peut refuser le titre d’artiste mais à qui personnellement je l’accorde), une fille ; et pour les femmes du Moyen Âge : Héloïse, un fils (qu’elle n’a certes pas beaucoup vu!) ; Christine de Pizan, une fille et deux fils. La palme revenant à Mary Elisabeth Braddon, qui a eu 13 enfants et a écrit plus de quatre-vingt romans. J’ai aussi envie de citer, en musique Clara Schumman, 8 enfants, ou en peinture, Elizabeth Vigée-Lebrun, une fille, qui continue à peindre pendant les premières contractions…
Parmi celles qui n’ont pas eu d’enfant : Hannah Arendt ; Simone de Beauvoir ; Virginia Woolf ; Lou Andreas Salomé ; Anna Freud…
L’une comme l’autre liste ne sont pas exhaustives mais elles montrent assez qu’il n’y a pas de règle : la création n’est pas un sacerdoce. D’ailleurs, même si elle en était un, faut-il rappeler que mêmes les popes et les pasteurs se marient et ont des enfants ?

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