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[club] Simenon – Maternités

Betty_Claude_ChabrolElse n’a pas d’enfant dans La nuit du carrefour ; Betty, en revanche, en a deux. La manière dont elle décrit son absence d’amour maternel est intéressante au regard de nos lectures de L’amour en plus d’E. Badinter : « Vous croyez à l’amour maternel ? (…) J’oubliais que vous n’avez pas d’enfant. Vous ne pouvez donc pas savoir. Je parle de l’amour maternel comme dans les livres, comme en parle à l’école, comme dans les chansons. Quand je me suis mariée, je pensais bien qu’nu jour j’aurais des enfants et cette idée m’était agréable. Cela faisait partie d’un tout : la famille, le foyer, les vacances au bord de la mer. Puis lorsqu’on m’a annoncé que j’étais enceinte, j’ai été déroutée que cela vienne si vite, alors que j’avais à peine cessé d’être une petite fille. (…) Je ne me cherche pas d’excuses. J’essaie de comprendre. (…) Je suis peut-être un monstre. Dans ce cas, je jurerais que c’est le cas de milliers et de milliers de femmes. »

Son récit de sa grossesse et de son accouchement, puis de la manière dont la bonne lui prend son enfant en s’en occupant d’autorité à sa place, peuvent tendre à montrer que l’amour maternel est quelque chose qui se construit et n’a rien d’inné.

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[club] Simenon – La recluse

LA-NUIT-DU-CARREFOUR-1932Betty et La nuit du carrefour nous proposent deux figures de la recluse : dans le premier cas, Elizabeth est enfermée dans une vie conjugale et familial dans laquelle elle étouffe, dans le second cas Else semble être enfermée par son frère parce qu’il serait fou, et est en effet enfermée par son mari parce qu’elle est « dangereuse ». Les deux femmes cherchent à s’évader de leur cadre de vie étriqué, l’une par l’alcool et l’adultère, l’autre par de petits trafic via une association de malfaiteurs (ses voisins). Dans les deux cas, les maris sont de bonne foi mais aveugles quant aux souffrances qu’ils infligent à leur épouse, à l’inadéquation entre ces femmes et le type de vie qu’ils leur proposent de mener.

Le regard du narrateur n’est pas le même d’un roman à l’autre : dans Betty, le narrateur semble plutôt complaisant envers les comportements « déviants » du personnage principal. Elle attire la compassion du lecteur (elle est recueillie par Laure, qui dit d’elle « c’est une malheureuse »), et même son absence d’amour maternel est traité avec psychologie, à l’inverse de ce qui se passe dans Mme Bovary. Dans La nuit du carrefour, Else est désignée comme la criminelle, qui trompe son monde, sur laquelle on ne peut se fier. Pourtant, dans les deux cas, ces femmes profitent de leur mari et de leur pouvoir de séduction en général pour s’en tirer (voir la fin de Betty : « Elle avait gagné »).

Elles présentent donc toutes les deux des figures, plutôt proches, de la recluse, au sens propre ou figuré, ce en quoi elles rappellent à la fois Emma Bovary ou Thérèse Desqueyroux.